"Louise Michel", un bateau féministe pour secourir les migrants en Méditerranée
Affrété dans le plus grand secret, il a secouru 89 personnes, dont 14 femmes et deux enfants, en Méditerranée centrale ce jeudi 27 août. On ne connait pas la position exacte du bateau. L’équipage n’a souhaité communiquer qu’une fois leur premier sauvetage effectué. Il recherche désormais un port maritime sûr pour débarquer les passagers et passagères. Il est également possible de les transférer sur un navire des garde-côtes européens, selon le journal.

"Après avoir dû faire face à la déshydratation, aux brûlures de carburant et aux blessures dues aux tortures subies en Libye, ces personnes bénéficient d'un moment de répit", a déclaré l'équipage via un compte Twitter créé pour communiquer sur les sauvetages du bateau.

L'équipage du bateau appelle à l'aide

Dans la nuit du 28 août, le Louise Michel a récupéré 130 migrants à la dérive à bord d’un canot pneumatique qui prenait l’eau, ont tweeté les organisateurs de la campagne. Après le premier sauvetage du jeudi 27 août, le navire compte désormais 219 naufragés à son bord pour seulement dix membres d’équipage. "Nous avons besoin d’assistance immédiate", ont-ils ajouté en exhortant l’Union européenne et les autorités italiennes à agir.

"Il y a déjà une personne morte sur le bateau. Les autres présentent des brûlures au carburant. Ils sont restés pendant des jours en mer et maintenant ils sont laissés pour compte dans une zone de recherche et de sauvetage de l’UE", ont-ils déploré. La ville de Marseille a ouvert son port au Louise Michel (mise à jour du 29 août et 1er septembre).

L'équipage est composé d'une dizaine de membres, des "activistes européens avec une longue expérience des recherches et des secours en mer". Son capitaine est Pia Klemp, une militante allemande pour les droits de l'homme, connue pour avoir conduit plusieurs autres navires de sauvetage, dont le Sea-Watch 3.

Le bateau est un ancien navire des douanes françaises. Avec 31 mètres de long, il est de plus petite taille mais considérablement plus rapide que les habituels navires des ONG intervenant dans la zone, lui permettant de prendre de vitesse les garde-côtes libyens.

"Ce mardi tôt au matin, Louise Michel a mené une recherche parallèle avec l'équipe de SeaWatch dans une mer agitée. En raison de sa vitesse, le Louise est arrivé le premier sur les lieux et a rapidement fourni de l'aide", a expliqué l'équipage sur Twitter.

Un bateau financé et décoré par Banksy

"ALLEZ ! un bateau sponsorisé par Banksy et peint par lui, une équipe expérimentée venue de toute l’Europe, le Louise-Michel a déjà sécurisé deux opérations de sauvetage du Sea-Watch 4 et a maintenant sauvé 89 personnes par lui-même. Nous nous réjouissons de ce renfort rose !", a quant à elle réagi l'ONG Sea-Watch sur Twitter.

Le bateau est peint en rose et blanc et est décoré d'un graffiti du célèbre street artiste Banksy, un dessin qui représente une jeune fille en gilet de sauvetage brandissant une bouée en forme de cœur.

    Le projet est "d'abord anarchiste, puisqu'il entend défendre la convergence des luttes pour la justice sociale, dont les droits des femmes et des LGBTIQ, l'égalité raciale, les droits des migrants, la défense de l'environnement et les droits des animaux"

Banksy a contacté Pia Klemp en septembre 2019, explique le Guardian. La capitaine a d'abord cru à un canular. "Bonjour Pia, j'ai lu votre histoire dans les journaux. Tu as l'air d'une dure à cuire", lui a-t-il écrit dans un mail.

"Je suis un artiste du Royaume-Uni et j'ai travaillé sur la crise des migrants, évidemment je ne peux pas garder l'argent. Pourriez-vous l'utiliser pour acheter un nouveau bateau ou quelque chose comme ça? S'il vous plaît, faites-moi savoir", disait ce message, signé "Banksy".

Un projet féministe

Elle affirme s'être assurée que ce sponsor pas comme les autres se limiterait à fournir le soutien financier à l'équipée : "Banksy ne va pas faire croire qu'il peut mieux que nous diriger un bateau, et nous n'allons pas faire semblant que nous sommes des artistes". Les dix marins du navire se présentent tou.tes comme "des activistes anti-racistes et anti-facistes partisans de changements politiques radicaux".

Selon Lea Reisner, une infirmière en charge à bord des opérations de secours, le projet est "d'abord anarchiste, puisqu'il entend défendre la convergence des luttes pour la justice sociale, dont les droits des femmes et des LGBTIQ, l'égalité raciale, les droits des migrants, la défense de l'environnement et les droits des animaux". Pour Claire Faggianelli, autre participante au projet, il s'agit de "réveiller les consciences européennes (...). Réveillez-vous!".

Il s'agit d'un projet féministe. Seules les membres d'équipage féminins sont autorisées à parler au nom du "Louise Michel", c'est le nom donné au bateau. Un nom qui ne doit rien au hasard, Louise Michel étant une figure anarchiste et féministe française du 19ème siècle.

La Méditerranée centrale, route migratoire la plus meurtrière du monde

Cette annonce intervient alors que l'année 2020 est marquée par une recrudescence d'embarcations en Méditerranée centrale, route migratoire la plus meurtrière du monde pour les candidats à l'exil vers l'Europe, venus pour l'essentiel de Libye et de la Tunisie voisine, selon le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR).

    Il s'agit de "réveiller les consciences européennes (...). Réveillez-vous"

Plus de 300 migrant.es ont péri cette année en tentant la traversée, mais ce chiffre pourrait être en fait beaucoup plus élevé, estime l’Organisation internationale pour les migrations (IOM).

Le Sea-Watch 4, un navire des ONG Médecins sans Frontières et Sea-Watch, est présent dans la zone depuis la mi-août. Il a déjà effectué plusieurs sauvetages, récupérant à son bord plus de 200 personnes. Dernier navire revenu de Méditerranée centrale, l'Ocean Viking - affrété par l'ONG SOS Méditerranée - avait débarqué en Sicile début juillet avec 180 migrants, avant d'être immobilisé par les autorités italiennes pour des "raisons techniques".

Les Grenades-RTBF est un projet soutenu par la Fédération Wallonie-Bruxelles qui propose des contenus d'actualité sous un prisme genre et féministe. Le projet a pour ambition de donner plus de voix aux femmes, sous-représentées dans les médias.

Par Ce.We avec AFP (publié le 28/08/2020)
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