« Malfaiteurs » de Bure : une relaxe quasi générale en appel
Les juges ont relaxé 4 des 7 militants antinucléaires de Bure (Meuse), poursuivis depuis 2018 pour participation à une manifestation. Une décision qui tranche avec les énormes moyens débloqués par l’État dans cette procédure.

Quatre ans d’enquête, des écoutes, des fouilles d’ordinateurs, une équipe de gendarmerie spécialement missionnée, un juge d’instruction et un procureur mobilisés quasiment à temps plein… Les énormes moyens débloqués — 1 million d’euros — dans l’affaire des opposants au projet Cigéo d’enfouissement de déchets nucléaires, à Bure (Meuse), apparaissent démesurés au regard du verdict prononcé ce 26 janvier par la cour d’appel de Nancy (Meurthe-et-Moselle).

Les juges ont décidé de relaxer quatre des sept militants antinucléaires poursuivis depuis 2018. Les trois autres sont condamnés à quatre mois de sursis simple pour participation à un attroupement, avec mention au casier judiciaire. Ils risquaient des peines allant de huit mois de prison avec sursis à douze mois de prison ferme.

« Nous sommes soulagés par ces relaxes que l’on réclame depuis trop longtemps, réagit Maître Florian Régley, l’un des avocats de la défense. Rappelons que l’une de ces personnes a été privée de liberté pendant sept mois et demi quand même, et que les autres ont eu l’interdiction de se voir pendant trois ans ! »

« Pendant près de quatre ans, nos vies ont été mises sous cloche »

« Tout ça pour en arriver là ! s’indigne Angélique qui écope de quatre mois de sursis. Il n’y avait pas de déclaration de manifestation, certes, mais la manifestation n’était pas interdite non plus. Pendant près de quatre ans, nos vies, nos amitiés ont été mises sous cloche. Et cela a touché bien plus que les sept prévenus. Tout notre entourage a été impacté par les contrôles judiciaires par exemple. »

Angélique ne compte pas en rester là, d’autant qu’elle estime que la répression organisée à Bure est symbolique et sert de modèle pour lutter contre de nombreuses autres associations de défense de l’écologie : « Nous irons devant la Cour de cassation et devant la Cour européenne des droits de l’Homme, notamment pour dénoncer les contrôles judiciaires que nous avons subis et pointer les irrégularités juridiques de la procédure. »

Lucien (un nom d’emprunt), l’un de ses soutiens, souligne que la personne qui a été emprisonnée pendant sept mois et demi fait partie des personnes totalement relaxées. « Il y a un décalage inquiétant entre les décisions du tribunal d’instance de Bar-le-Duc et celles de la cour d’appel de Nancy. Il y a une trop grande proximité entre le tribunal et Cigéo », juge-t-il. Le militant emprisonné pourra faire une demande d’indemnisation pour sa privation de liberté injustifiée.

Au-delà du coût psychologique pour les prévenus, l’avocat Florian Régley souligne aussi le coût financier de toute cette affaire où les moyens déployés ont été considérables, « des moyens qui ne sont même pas mis en œuvre dans les affaires de braquage de banque. On aboutit finalement à une condamnation équivalente à celles qui sont habituellement appliquées aux simples manifestants comme les Gilets jaunes ».

Par Fabienne Loiseau (publié le 26/01/2023)
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