En Ardèche, la Zad contre la basilique bétonnante a contraint l’État à bouger
La préfecture de l’Ardèche a concédé une expertise environnementale aux opposants d’un projet de sanctuaire à Saint-Pierre-de-Colombier, dans le coeur du parc naturel en Ardèche. Un projet qui a un lourd impact environnemental et n’a pas respecté les prescriptions environnementales. La préfecture a cédé grâce à l’installation éclair d’une Zad le week-end du 13 juin. Mais la bataille n’est pas terminée.

C’est une vallée emblématique du Parc naturel régional (PNR) des Monts-d’Ardèche et qui pourrait bientôt devenir célèbre pour son église de 3.500 places. A Saint-Pierre-de-Colombier, 1,5 hectare de sol est censé être bétonné pour construire un sanctuaire et des bâtiments annexes. Ce projet porté par la congrégation catholique de la Famille missionnaire de Notre-Dame fait débat depuis de nombreuses années. Mais la construction a commencé il y a un an et les opposants étaient pieds et poings liés.

“Les manifestations légales, apparemment, ça ne suffit pas”, réagit Sylvain Herenguel. Membre du collectif Les Amis de la Bourges, il a participé à plusieurs mobilisations contre ce projet depuis l’été dernier, et il n’a pourtant pas vu la moindre évolution. Y compris lorsque le PNR a confirmé la présence d’espèces protégées sur le site. Autour de la rivière, deux colonnes ont été construites, puis une passerelle posée la semaine dernière... La goutte de trop pour les militants. Cette fois, ils sont passés à la vitesse supérieure : la désobéissance civile.

Samedi 13 juin, après une mobilisation surprise, le chantier a été déclaré Zone à défendre. L’objectif : obtenir l’arrêt des travaux. Dans les heures qui ont suivi, Francoise Souliman, la préfète de l’Ardèche s’est rendue sur place. Elle a laissé 24 heures aux zadistes pour quitter les lieux. Le maire du village, quant à lui, a pris un arrêté pour interdire l’entrée de la commune à tous les non-résidents - y compris les habitants des villages voisins qui empruntent cette route départementale chaque jour.

“Finalement, lundi, ils sont arrivés en force, raconte Sylvain Herenguel. Il y avait plus de soixante gendarmes pour onze zadistes”. En fin d’après-midi, la Zad de Saint-Pierre-de-Colombier avait disparu.

Après la lutte dans les rues, la bataille s’est livré à huis clos dans l’enceinte de la Préfecture. D’un côté la congrégation religieuse et les services de l’État, de l’autre, le collectif des Amis de la Bourges et ses soutiens. Parmi eux, le PNR, des élus locaux, mais aussi Michèle Rivasi. Invitée par le collectif, la députée européenne EELV, est sidérée : “Ce qui me surprend c’est le poids de cette communauté religieuse... C’est un site fragile et on donne un permis de construire sans enquête publique ?”

Selon la Préfète, tout cela ne serait que le fruit qu’une erreur administrative. Une erreur reconnue que la représentante de l’Etat a reconnu pour la première fois. Dans son dossier, la Famille Missionnaire a omis de mentionner que le projet serait situé dans un Parc naturel régional et qu’il pourrait perturber certains habitats. La Dreal (Direction régionale de l’environnmement, de l’aménagement et du logement) a ensuite validé le projet sans vérifier ces points. “Il se peut qu’il y ait eu un dysfonctionnement dans la procédure”, reconnaissent les services de la Préfecture, poursuivant : “Mais il aurait fallu déposer des recours dans les temps”.

Une expertise environnementale mais pas d’arrêt des travaux

À l’issue de la réunion, la Préfète de l’Ardèche a proposé de “réaliser une expertise environnementale indépendante pour préciser l’impact du projet sur les espèces et leur habitat”. Une victoire pour les opposants ? Pas vraiment, puisque la Préfète refuse de suspendre les travaux. Seule la construction de la passerelle pourrait être arrêtée.Or celle-ci est quasiment terminée... “C’est une aberration”, estime le collectif des Amis de la Bourges. Ces derniers ont obtenu 48 heures pour réfléchir à la proposition et ils comptent bien utiliser ce délai pour agir.

Ce mercredi 17 juin, un référé va être déposé en urgence au tribunal judiciaire de Privas et les élus locaux vont également être interpellés. De son côté, Michèle Rivasi n’a pas l’intention de baisser les bras : “On va mobiliser, promet-elle. Je ne les laisserai pas faire !” En parallèle de cette stratégie locale, la députée européenne EELV compte saisir la Commission européenne pour dénoncer le non-respect de la directive Habitats.

Par Pauline de Deus (publié le 17/06/2020)
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