France: Ryanair condamné à verser 9 millions d'euros à la Sécurité sociale
La justice française a condamné mercredi la compagnie aérienne irlandaise Ryanair à une amende de 200 000 euros et à près de 9 millions d'euros de dommages-intérêts pour avoir enfreint le droit social français à l'aéroport de Marseille.

De l'ouverture d'une base en 2007 à sa fermeture en trompe-l'oeil début 2011, l'entreprise n'a jamais déclaré son activité ni au registre du commerce ni à l'Urssaf, tandis que ses 127 salariés relevaient du droit irlandais.

"En refusant de se soumettre à la législation française en matière de cotisations sociales, la compagnie a organisé un véritable dumping social lui permettant de réduire ses coûts d'exploitation et plus particulièrement ceux relatifs au personnel", estime le tribunal correctionnel d'Aix-en-Provence dans son jugement dont l'AFP a obtenu copie.

"Les taux de charges sociales en France sont de 40 à 45% pour l'employeur, contre 10,75% en Irlande", rappelle-t-il, dénonçant "une situation de concurrence déloyale vis-à-vis des autres compagnies aériennes respectant la législation nationale".

Les parties civiles - notamment l'Urssaf, Pôle emploi, la Caisse de retraite et des syndicats des personnels navigants - ont immédiatement dit leur "satisfaction". "La fraude a été reconnue", s'est félicité Me Jean-Victor Borel, avocat de l'Urssaf qui a obtenu le paiement de plus de 4,5 millions d'euros.

Le juge n'a en revanche pas suivi les réquisitions du parquet qui avait demandé, lors du procès fin mai, la confiscation, en valeur, de quatre Boeing 737 stationnés de 2007 à 2010 à Marignane (Bouches-du-Rhône). "Une telle saisie pouvait poser des problèmes juridiques, le tribunal n'a donc pas voulu fragiliser la décision", a expliqué Claire Hocquet, conseil du SNPL.

Ryanair devra par ailleurs afficher la décision sur les portes du terminal low cost de l'aéroport pour une durée d'un mois ainsi que la publier dans quatre journaux.

Me Hocquet espère qu'après cette condamnation, "les chambres de commerce et élus régionaux qui subventionnent Ryanair, ce qui lui permet de pratiquer des prix très bas, ne fermeront plus les yeux sur le fait que Ryanair exerce son activité de manière illicite".

Appel de Ryanair

Dans un communiqué, le leader européen du transport aérien low cost a confirmé son intention de faire appel et déclare qu'il en appellera in fine à la cour de justice de l'Union européenne.

Pour Ryanair, le décret de 2006, qui prévoit que le code du travail français s'applique aux entreprises de transport aérien disposant en France d'une base d'exploitation, se trouve "en contradiction avec les réglementations européennes".

Vu que les équipages volaient dans "des avions enregistrés en Irlande, ils sont considérés comme travaillant principalement en Irlande, et non en France", soutient le groupe, convaincu que ce décret a été "spécifiquement introduit par le gouvernement afin de protéger la compagnie déficitaire Air France".

Pour l'accusation, Ryanair "joue avec les mots" et la pérennité de son activité ne fait pas de doute, comme en atteste la présence de locaux, d'équipements et de deux cadres. Quant au personnel, il vivait dans la région.

Dans le paysage des low cost, la compagnie irlandaise fait désormais figure d'exception, selon l'avocate du SNPL, alors que son modèle extrême - rythmes infernaux des équipages, conditions de travail déplorables, obsession des économies de carburant - a été récemment dénoncé par des pilotes inquiets pour la sécurité.

"Petit à petit les compagnies à bas coûts se mettent en règle", assure-t-elle, citant l'exemple de la britannique easyJet, condamnée en 2010, pour des faits similaires, à verser 1,4 million d'euros à Pôle Emploi et 150.000 euros d'amende.

Ryanair, qui emploie 8.500 salariés et compte une flotte d'environ 300 avions, affiche une belle santé avec des bénéfices de 569 millions d'euros sur l'exercice 2012-2013, pour un chiffre d'affaires de 4,88 milliards et 79,3 millions de passagers transportés.

A Marseille, malgré ses démêlés judiciaires, la compagnie propose un nombre toujours plus grand de liaisons en affectant des avions sur place uniquement pendant la saison estivale, contournant ainsi la loi.

Officiellement pourtant, elle a plié bagages haut et fort, avec le soutien d'élus locaux, après sa mise en examen fin 2010 pour travail dissimulé, entrave au fonctionnement du comité d'entreprise, à celui des délégués du personnel, à l'exercice du droit syndical, et emploi illicite de personnels navigants.

Lire l'article sur le site de RTBF (2/10/2013)