Grève féministe en Suisse : une marée violette réclame l’égalité salariale
Des « centaines de milliers de femmes » se sont mobilisées vendredi en Suisse pour défendre leurs droits et réclamer l’égalité salariale, ont annoncé les organisateurs de ce mouvement.

Les manifestantes, vêtues de violet, brandissaient des slogans féministes tels que « A bas le patriarcat », « My body is mine » (mon corps m’appartient) ou « Harry Potter serait mort si Hermione n’existait pas ».

Circulation des tramways bloquée à Zurich, cathédrale illuminée de rose à Lausanne, poing levé féministe projeté sur un gratte-ciel à Bâle… Près de 30 ans après leur dernière grève historique, les femmes suisses sont passées à l’action pour dénoncer aussi les violences sexistes et défendre la reconnaissance des tâches domestiques.

« Le 14 juin 2019 entre dans l’histoire récente de la Suisse comme la plus grande manifestation politique. En considérant l’ensemble de la journée, plusieurs centaines de milliers de femmes ont pris part aux actions, grèves et débrayages de la Grève des femmes », a écrit dans un communiqué l’Union syndicale suisse.

L’organisation souligne que la mobilisation a concerné okusiseurs grandes villes de Suisse: Zurich (70.000 manifestants), Bâle (40.000), Berne (40.000), Lausanne (60.000) et Genève (20.000).

Le point d’orgue de la mobilisation a été une marche en fin de journée dans plusieurs villes, dont Berne, devant le siège du gouvernement et du Parlement.

Aurelia, une lycéenne de 16 ans participant au défilé à Genève, veut dénoncer « l’hypersexualisation du corps de la femme » dans la société et en particulier sur les réseaux sociaux.

Oceane Schaub, 22 ans, qui défile seins nus , manifeste « parce qu’elle a envie de me balader torse nu tout le temps, comme les hommes ». « Je pense que le fait que je suis la torse nu peut choquer et changer des choses… j’ai des seins comme j’ai des mains et des pieds », ajoute-t-elle.

A Berne, les députés ont symboliquement interrompu leurs débats pendant 15 minutes. De nombreux parlementaires étaient vêtus de violet, tout comme la ministre de la Défense, Viola Amherd. La ministre de la Police et Justice, Simonetta Sommaruga, a quant à elle salué les militantes à la gare locale.

A Lausanne, la mobilisation a débuté dans la nuit à la cathédrale où les femmes ont fait sonner des cloches sur le parvis. Un feu de joie a été allumé et l’édifice religieux illuminé. 500 personnes ont ensuite bloqué un pont.

Dans de nombreuses cités, les femmes se sont rassemblées pour chanter. Et un clitoris géant posé sur un chariot a fait le tour de Zurich.

Crèches fermées, service minimum dans les écoles, certaines villes – comme Genève – ont soutenu la mobilisation. Présente pour y faire un discours devant l’Organisation internationale du travail, la directrice générale du Fonds monétaire international, Christine Lagarde, avait épinglé sur sa veste un pin’s avec le logo féministe du poing levé.

La manifestation, jugée « illicite » par l’Union patronale, visait à demander « plus de temps, plus d’argent et du respect ». Elle a fait écho à la grande grève des femmes suisses qui avait réuni un demi-million de participantes le 14 juin 1991, dix ans jour pour jour après l’introduction du principe d’égalité entre les genres dans la Constitution.

Les femmes avaient alors dénoncé l’absence de mesures concrètes et l’inégalité salariale. Cette mobilisation avait abouti à l’entrée en vigueur en 1996 de la loi sur l’égalité au travail.

– #Metoo –

Portées par la vague #Metoo, les représentantes de la nouvelle génération poursuivent le combat engagé par leurs aînées il y a presque 30 ans, vers une égalité salariale qui n’est toujours pas atteinte.

Les femmes touchent en moyenne environ 20% de moins que les hommes. Et à conditions égales, notamment formation et ancienneté, l’écart salarial est encore de près de 8%, selon le gouvernement.

En 1991, une femme sur sept s’était mobilisée. Un chiffre d’autant plus exceptionnel que les arrêts de travail sont très rares depuis l’instauration en 1937 de la « paix du travail », une convention signée entre patronat et syndicats excluant le recours à la grève au profit de la négociation.

L’idée de refaire grève est née sous l’impulsion des syndicats, ces derniers n’étant pas parvenus à introduire, au moment de la révision de la loi sur l’égalité en 2018, le principe de sanctions contre les entreprises violant l’égalité salariale.

En Suisse, la reconnaissance des droits des femmes est un long chemin. Ce n’est qu’en 1971 qu’elles ont acquis le droit de voter. Ces dernières années, des avancées ont été obtenues, comme la dépénalisation de l’avortement en 2002 et un congé maternité payé de 14 semaines en 2005.

Mais le congé paternité n’existe pas et les places en crèche, limitées et coûteuses, sont un handicap majeur pour l’activité professionnelle des femmes. Le Forum économique mondial (WEF) a estimé vendredi que les « changements ont été trop lents » en Suisse, appelant le gouvernement et les entreprises à « remédier à cette situation ».

Par Boursorama-AFP (publié le 14/06/2019)
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