L’agrandissement de l’aéroport de Vienne interdit au nom du climat
C’est une première mondiale ! En Autriche, la justice interdit la création d’une troisième piste à l’aéroport de Vienne. La raison ? L’impact sur le climat et la destruction de terres agricoles.

La nouvelle a de quoi ravir tous les opposants aux grands projets inutiles - et les gens préoccupés de l’avenir de la planète. En Autriche, la justice a interdit l’agrandissement de l’aéroport de Vienne au nom de la protection du climat. Dans une décision rendue publique le 9 février, le tribunal administratif fédéral de la capitale autrichienne a estimé que "l’intérêt public lié à la protection contre les effets négatifs du changement climatique, dû en particulier aux émissions de CO2, est supérieur aux intérêts publics positifs attendus de la réalisation du projet" (texte de la décision, en allemand). En clair, la réduction des émissions de gaz à effet de serre prime sur les retombées économiques supposées du projet.
Les juges font valoir que les objectifs autrichiens de lutte contre le réchauffement climatique sont incompatibles avec la réalisation d’une troisième piste à l’aéroport de Vienne-Schwechat. Les expertises qu’ils ont commandées ont évalué à 2 % la hausse des émissions de gaz à effet de serre imputables aux transports en Autriche si le projet sortait de terre.
La troisième motivation avancée par les magistrats viennois concerne l’avenir des terres cultivables, dans un pays très attaché à l’agriculture traditionnelle. “La préservation de riches terres arables pour l’alimentation des générations futures est également une urgence qui s’impose”, écrivent-ils. Le projet menaçait de détruire 760 hectares de terres, selon le journal viennois Augustin.
Partisans et opposants s’entendent pour dire que cette décision est une première mondiale. La presse germanophone rappelle que les précédentes plaintes de ce genre dans le monde ont été systématiquement rejetées.
Les membres du collectif citoyen à l’origine de la plainte ont salué la décision du tribunal, qui “a trouvé le courage d’arrêter le projet malgré l’énorme pression politique”. Herbert Janschka, le maire (ÖVP, conservateur) de Wiener Neudorf, une commune à proximité de l’aéroport, s’est lui aussi réjoui d’une “décision d’avenir qui va dans le sens de notre environnement et de notre santé”.
Un projet aéroportuaire contesté, susceptible de nuire à l’environnement ? En France, le dossier fait bien entendu écho à celui du projet d’aéroport à Notre-Dame-de-Landes. Sur place, les opposants au projet saluent d’ailleurs la décision des juges autrichiens. “C’est formidable, dit à Reporterre Françoise Verchère, co-présidente du Cédpa, un collectif d’élus locaux. Pour nous, c’est le signe que des juges peuvent prendre en compte une évolution de la conception de l’utilité publique, qui intègre désormais les problématiques environnementales. Cela montre aussi que certains pays sont beaucoup plus en avance que la France sur les questions climatiques.”
Cependant, la décision des juges viennois crée des turbulences. Programmé depuis dix ans, l’agrandissement de Vienne-Schwechat était censé éviter l’engorgement annoncé des structures actuelles. Plaque tournante du trafic aérien en Europe centrale et du sud, l’aéroport a accueilli 23,4 millions de voyageurs l’an dernier et table sur une hausse de 87 % du nombre de passagers d’ici 2025, selon le journal Der Standard.

Soutenus par le gouvernement, les défenseurs du projet considèrent que le jugement met à mal la croissance de l’économie autrichienne, notamment celle du secteur touristique, au profit des pays voisins, Allemagne et Slovaquie en tête. "Les avions ne voleront pas moins, ils atterriront juste ailleurs", a déclaré l’avocat de l’aéroport Christian Schmelz au journal Die Presse. “Nous ne laisserons pas nos emplois partir à Bratislava ou Munich”, a assuré le représentant du personnel, Thomas Faulhuber, dans un communiqué.
Pour le directeur de l’aéroport, Günther Ofner, cette interdiction de construire est même un non-sens. Il considère que “plus aucune maison, aucune rue et surtout aucune usine ne pourront alors être construites, parce que tous les projets de ce type provoquent une augmentation des rejets de CO2 et une détérioration des sols”.
L’entreprise a d’ores et déjà annoncé qu’elle allait déposer un recours auprès de la plus haute juridiction administrative, voire, si nécessaire, devant la Cour constitutionnelle autrichienne.

Par Violette Bonnebas

Lire sur Reporterre (15/02/2017)