Législatives 2022: Rachel Kéké l'emporte, une femme de chambre ŕ l'Assemblée
La porte-parole de la lutte de l'Ibis Batignolles a vaincu l'ancienne ministre des Sports Roxana Maracineanu avec 51,38% des voix contre 48,62%.

C’est une victoire symbolique. Ce dimanche 19 juin, dans la 7e circonscription du Val-de-Marne, Rachel Kéké, 47 ans, porte-parole lors de la grève des femmes de chambre de l’Ibis Batignolles (Paris) entre 2019 et 2021 vient d’être élue députée, sous étiquette Nupes.

Avec 51,4% des voix, elle s’impose dans le duel qui l’opposait après le premier tour à une figure de la Macronie, l’ancienne ministre des Sports, Roxana Maracineanu qui obtient 48,6% des suffrages, sur 93% des bulletins dépouillés. Elle a revendiqué sa victoire avant même son officialisation.

Cette Franco-Ivoirienne, naturalisée en 2015, est sans doute la plus emblématique des figures issues des luttes syndicales et associatives que la coalition de gauche entendait mettre en avant dans ces élections.

Elle se définit comme une “guerrière” et veut “faire du bruit” au palais Bourbon pour y porter la voix des travailleurs “invisibles”. “C’est ce que j’appelle une leader de masse”, dit d’elle le député LFI Eric Coquerel. “Elle a quelque chose qui magnétise, elle est forte, elle a les mots justes, elle n’a pas besoin de lire” lors de ses prises de parole, déroule-t-il.

C’est lors des 22 mois de grève des femmes de chambre de l’hôtel Ibis Batignolles à Paris, pendant lesquels Rachel Kéké portait les revendications de ses collègues, qu’Éric Coquerel a fait sa connaissance. Entre 2019 et 2021, cette militante CGT s’est mobilisée pour améliorer les salaires et les conditions de travail des femmes de ménage face au “mépris” de la direction.

Cet hôtel devant lequel Rachel Kéké a commencé à se tailler une réputation syndicale et politique, elle a continué d’y travailler pendant le début de sa campagne avant de prendre un congé pour se consacrer pleinement aux législatives.

“C’est un métier qui détruit le corps. Il y a des syndromes du canal carpien, des tendinites, des maux de dos...”, détaille-t-elle à l’AFP, se souvenant encore de cette sensation, “comme si on [lui] avait donné des coups partout”, après son premier jour en tant que femme de ménage, en 2003.

“Mais je me suis dit qu’il fallait que je prenne mon courage à deux mains, pour mes enfants”, se rappelle-t-elle. Mère de cinq enfants, Rachel Kéké est née en 1974 dans la commune d’Abobo, au nord d’Abidjan, d’une mère vendeuse de vêtements et d’un père conducteur d’autobus. À 12 ans, au décès de sa mère, c’est elle qui se retrouve en charge de ses frères et sœurs.

“Féministe”, “défenseuse des gilets jaunes”

Elle arrive en France en 2000 et commence à travailler comme coiffeuse avant d’entrer dans l’hôtellerie. Dans l’Hexagone, elle déménage souvent, alternant entre les squats ou les appartements d’amis en banlieue parisienne, avant de se fixer grâce au DAL (Droit au logement). Naturalisée Française en 2015 - un pays qu’elle “adore” et pour lequel avait combattu son grand-père pendant la Seconde Guerre mondiale - elle habite maintenant les Sorbiers, une cité de Chevilly-Larue (Val-de-Marne) d’où elle a lancé sa campagne pour les législatives.

Avec toujours le même message: “secouer le cocotier” à l’Assemblée. “Nous ne sommes pas des rebelles, on veut juste notre dignité”, a-t-elle lancé devant les acclamations des 200 amis et militants venus la soutenir. Celle qui se définit comme “féministe” et “défenseuse des ‘gilets jaunes’”, a paré d’éventuelles attaques sur son manque de formation.

“Si tu me parles avec le français de Sciences Po, je vais te répondre en banlieusard!”, a-t-elle mis en garde. “On connaît le niveau d’une femme de chambre, on sait que je n’ai pas de Bac+5”, expliquait-elle à l’AFP. “Je dis ce que je ressens. Si on me pose une question sur quelque chose que je ne comprends pas, je ne répondrai pas. Il faut que les médias s’habituent à ça”. “Elle a tout à apprendre d’un point de vue de la politique politicienne”, détaille Hadi Issahnane, conseiller municipal LFI de Chevilly-Larue, mais “elle peut enseigner plein de choses de la vie réelle à plein de politiques”.

Lire sur le site du Le HuffPost avec AFP (19/06/2022)