L'État belge condamné pour avoir illégalement retenu en centre fermé deux étudiants
Le tribunal civil de Bruxelles a rendu deux jugements, mardi, condamnant l'État belge pour avoir retenu deux étudiants, l'une Marocaine et l'autre Congolais, durant plusieurs jours en centre fermé.

Défendus par Me Marie Doutrepont et Me Selma Benkhelifa, les deux étudiants estimaient avoir fait l'objet d'une décision illégale et réclamaient d'être indemnisés, ce qui leur a été accordé.

Junior Masudi Wasso, un étudiant de nationalité congolaise âgé de 21 ans, a été arrêté par la police aéroportuaire à Zaventem le 18 septembre 2021. Détenteur d'un visa "long séjour" et disposant d'une inscription en règle à l'UCLouvain en sciences économiques et gestion, le jeune homme a pourtant été placé au centre fermé Caricole à Steenokkerzeel. Il y a passé 16 jours avant d'être libéré.

Lors du contrôle, les policiers l'ont notamment interrogé sur le tableau de Mendeleïev et sur la théorie de Darwin, Junior Masudi Wasso leur ayant déclaré qu'il avait étudié la chimie et la biologie. "L'intéressé répète les questions que nous lui posons, ce qui indique clairement qu'il n'a pas la moindre connaissance des sujets qu'il a étudiés", ont indiqué les policiers dans leur procès-verbal. Ceux-ci ont ensuite pris contact avec l'Office des Étrangers, qui a décidé de refouler Junior Masudi Wasso et de le garder entretemps au centre fermé Caricole.

Le tribunal a tout simplement constaté l'illégalité de ce maintien en détention car Junior Masudi Wasso était détenteur d'un visa de type D "long séjour", stipulant que celui-ci "ne pouvait pas être refoulé par les autorités chargées du contrôle aux frontières".

Le tribunal a rappelé que "les décisions administratives prises en vertu de la loi du 15 décembre 1980 sont soumises à une obligation de motivation [...] qui impose à l'autorité administrative d'indiquer dans ses décisions des motifs adéquats, pertinents, clairs, précis et concrets". Or, selon le tribunal, "force est de constater que cette décision de détention n'évoque nulle part les éléments factuels propres à la situation de Monsieur Masudi", notamment la possession d'un passeport et d'un visa, et la possession d'une autorisation d'inscription délivrée par l'UCLouvain.

Au contraire, souligne le tribunal, "les motifs repris dans la décision sont d'ordre général et stéréotypés, et ne permettent pas de constater que l'autorité administrative a procédé à un examen concret et individualisé de la situation de Monsieur Masudi". Pour le tribunal, cette décision constitue donc une "voie de fait attentatoire aux droits fondamentaux" de cet étudiant, "constitutive d'une faute dans le chef de l'État belge".

Le tribunal a également estimé que les tentatives de refoulement de Junior Masudi Wasso "constituent des fautes graves dont les conséquences dommageables doivent être indemnisées".

Ouial Ziti, une étudiante de nationalité marocaine âgée de 24 ans, inscrite en 5e année de médecine dentaire à l'université de Iasi en Roumanie, a vécu la même expérience le 13 décembre 2021, à l'issue d'un contrôle mené par la police aéroportuaire à Gosselies. L'étudiante était pourtant en possession d'un visa français en règle, avec lequel elle s'était déjà rendue à plusieurs reprises en Belgique, où résident plusieurs membres de sa famille.

L'Office des Étrangers a, là aussi, décidé de refouler Ouial Ziti et d'abroger son visa, relevant notamment qu'elle ne disposait pas d'argent liquide et ne satisfaisait donc pas aux moyens de subsistance de référence pour la Belgique, soit 45 euros par jour et par personne. L'Office des Étrangers a également pris la décision de la priver de liberté et de la maintenir au centre fermé Caricole.

Le tribunal a exposé qu'il est établi, par un enregistrement vocal entre la jeune femme et les policiers, que celle-ci était pourtant en possession de plusieurs cartes de débit. "L'État belge a justifié sa décision par un motif erroné et inadmissible", ce qui est "constitutif d'une faute dans le chef de l'État belge dont les conséquences dommageables doivent être indemnisées", a-t-il conclu.

Quant à la décision de détention, le tribunal a développé la même motivation que pour Junior Masudi Wasso, à savoir que cette décision de détention n'évoque nulle part les éléments factuels propres à la situation de Ouial Ziti, notamment la possession d'un passeport et d'un visa Schengen délivré par la France, valable jusqu'en juillet 2023, ainsi que la possession d'un billet d'avion retour pour la Roumanie et de cartes bancaires provisionnées.

Le tribunal a conclu que "l'adoption d'une telle décision de privation de liberté est constitutive d'une faute dans le chef de l'État belge", contraignant celui-ci à indemniser la jeune femme.

Par Belga (publié le 18/04/2023)
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