La justice blanchit les paysans anti-méthanisation
En décembre 2018, la Confédération paysanne avait mené une action sur un site de méthanisation en construction dans l’Orne. Le syndicat agricole dénonçait l’utilisation du maïs pour la production d’énergie plutôt que pour l’alimentation animale. L’entreprise visée demandait 175 000 euros de dommages. Elle a été déboutée mardi 19 octobre.

« C’est la reconnaissance de la légitimité de l’action syndicale », dit à Reporterre Nicolas Girod, porte-parole de la Confédération paysanne. Le syndicat agricole, poursuivi pour une action contre la méthanisation en 2018, vient d’être relaxé. Les sociétés civiles d’exploitation agricole (SCEA) de Cohon et Monsterleet, porteuses d’un projet de méthanisation dans l’Orne, avaient porté plainte pour intrusion et dégradations sur leur chantier. Elles réclamaient 175 000 euros au syndicat. Leur requête a été rejetée mardi 19 octobre, à l’issue d’une audience au tribunal du Mans (Sarthe), le 7 septembre dernier. « Cette décision valide l’action qui a été menée et le syndicat ne sera pas mis en difficulté financière », souligne le porte-parole.

Le 20 décembre 2018, le syndicat avait manifesté sur le chantier de construction d’un méthaniseur à Saint-Paterne-Le Chevain, à côté d’Alençon. Au cours de l’opération, un portail et une dalle de béton avaient été détruits. Mais surtout, les membres du syndicat avaient grimpé sur un amas de maïs. Un symbole. « En 2018, c’était la sécheresse, on avait du mal à alimenter le bétail. Ce maïs aurait dû être utilisé pour l’alimentation animale, pas être stocké pour un méthaniseur. »

    « Nous ne pouvons pas accepter que la méthanisation comble la faiblesse des revenus agricoles. »

Faire passer la production énergétique devant la production agricole, c’est ce que dénonce le syndicat. La méthanisation permet de transformer les effluents d’élevage — agrémentés de cultures intermédiaires comme le maïs — en gaz pour éclairer et chauffer les foyers environnants. Selon ses défenseurs, c’est un outil pour contribuer au mix énergétique et développer les énergies renouvelables. Elle peut aussi être un atout pour les agriculteurs : grâce à la garantie d’un prix de rachat du gaz intéressant (même si une baisse des prix est annoncée pour 2023), la méthanisation devient un complément de revenu et même, parfois, le revenu principal. « Nous ne pouvons pas accepter que la méthanisation comble la faiblesse des revenus agricoles », dit le porte-parole de la Confédération paysanne.

Des associations environnementales et des collectifs de riverains se montrent également soucieux des aspects négatifs de cette technologie. Les inquiétudes concernent pêle-mêle les conséquences sur l’environnement, la qualité des sols et de l’eau. Mais aussi le transport généré par l’apport de marchandises pour alimenter la cuve du méthaniseur, ou encore les accidents. Comme celui de Châteaulin, dans le Finistère, où le déversement d’une cuve dans la rivière proche d’une station de potabilisation a privé 180 000 foyers d’eau potable pendant plusieurs jours, en août 2020.

Un débat politique manque à propos de la méthanisation

Dans son rapport publié le 5 octobre dernier, le Sénat laisse ces questions ouvertes, admettant que les connaissances scientifiques sont aujourd’hui insuffisantes sur le sujet. « Ce rapport ne va pas assez loin, déplore Nicolas Girod. On se demande si la méthanisation connaîtra le même fiasco que les agrocarburants. »

La Confédération paysanne appelle depuis janvier 2021 à un moratoire sur la méthanisation. « Nous souhaitons mettre entre parenthèses l’instruction des projets en cours pour avoir le temps de poser un débat politique sur le sujet. » Pour se faire entendre, des mobilisations étaient organisées mardi 19 octobre dans plusieurs villes françaises comme au Mans, à Nantes, à Rennes ou encore à Laval.

Par Julie Lallouët-Geffroy (publié le 20/10/2021)
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