Le géant pharmaceutique Pfizer plie face à un groupe de patients
Fin octobre, le géant pharmaceutique Pfizer interrompait la livraison en Belgique du médicament Ledertrexate sous forme injectable. Prétendument en raison d'un problème de production. Une plainte introduite par des patients a toutefois permis de montrer que la pénurie n'était pas une fatalité. Sous la pression, le 26 janvier, Pfizer reprenait ses livraisons.

Ce médicament sous forme injectable est utilisé entre autres pour maintenir sous contrôle les douleurs du rhumatisme articulaire et les affections auto-immunes. Dès novembre, suite à la décision de Pfizer, de nombreux patients ont été privés de leur médicament. Les réserves de la variante générique du Ledertrexate ont du coup rapidement été épuisées. Cela a eu pour conséquence qu’un très grand nombre de patients ont enduré des douleurs inutiles et vu progresser leur maladie. 10 000 d'entre eux risquaient de se retrouver dans cette situation, selon les estimations.

L'un d'entre eux est Peter Franssen, 64 ans, patient de Médecine pour le Peuple à Genk. Il souffre d'une forme d'arthrite psoriasique. À la mi-janvier, son approvisionnement en Ledertrexate a cessé, de même que celui des pharmacies. Sa maladie s'aggrave brusquement et il décide donc de contacter Médecine pour le Peuple et le PTB avec la proposition de contraindre Pfizer à reprendre ses livraisons à travers via une procédure en référé.

Il s'appuie sur l'article 12 de la Loi sur les médicaments de 1964, qui oblige les producteurs à garantir un approvisionnement continu. Dans un communiqué de presse, Pfizer prétend que l'interruption des livraisons est due à un problème de production dans son usine. Un cas de force majeure, par conséquent. Mais, après enquête, il s’avère que Pfizer a des sites en Allemagne, au Portugal, en Australie et en Inde, et que, dans tous ces sites, il produit ce Ledertrexate injectable. Un problème de production dans une seule usine ne peut donc aboutir à l'interruption de la livraison en Belgique… Sauf si Pfizer préfère écouler la production de ses autres sites là où l'on paie un prix plus élevé pour son médicament.

En outre, il apparaissait dès lors que Pfizer s'était trop peu soucié de constituer des stocks suffisants. Le Ledertrexate injectable peut se conserver entre 18 mois et 2 ans. Cela suffit largement pour constituer des stocks permettant de voir venir pendant plus de deux mois. Le fait que cela n'a pas été le cas ne peut s'expliquer que par l'application très pointue d’un système de production just-in-time chez Pfizer.

Mais ce n’est pas tout. En effet, lorsque Peter Franssen annonce sur Facebook qu'il va y avoir une procédure en référé, Pfizer prend contact avec lui par téléphone. La firme veut régler l'affaire à l'amiable. Peter Franssen refuse, estimant qu'il doit impérativement y avoir une solution pour tous les patients de Belgique privés de leur médicament essentiel. « Cela peut encore durer des semaines », répond le représentant de Pfizer. Pendant ce temps, trois autres patients de Médecine pour le Peuple se joignent à la plainte.

Le mercredi 25 janvier à midi, au nom des quatre patients, deux avocats adressent une « mise en demeure » à Pfizer et exigent que les livraisons soient reprises dans les 24 heures. Si ce n'est pas le cas, le géant pharmaceutique sera cité à comparaître en référé.

Le jeudi 26 janvier à midi, Pfizer adresse un fax aux avocats dans lequel la firme dit qu'« en ce jour, les colis de Ledertraxte 5 mg / 2 ml ont été livrés aux grossistes, qui sont à nouveau en mesure d'approvisionner les pharmaciens ». Une vérification effectuée par les avocats et les médecins de Médecine pour le Peuple chez plusieurs pharmaciens confirme la chose.

En envoyant ce fax, Pfizer reconnaît implicitement son obligation légale de fournir le médicament et d'en assurer un approvisionnement ininterrompu. Les nombreux patients, principalement aux prises avec des affections rhumatisantes, peuvent enfin poursuivre leur traitement.

Il s'agit d'un important précédent. C'est la première fois en Belgique qu'un géant pharmaceutique est mis en demeure et qu'il cède aux pressions d'un groupe de patients et à leur menace de procédure en référé.

Lire sur Solidaire (27/01/2017)