Marseille : un McDo réquisitionné pour distribuer de la nourriture
Des quartiers populaires délaissés, un restaurant McDonald’s abandonné en plein milieu, des syndicalistes qui y mènent une lutte acharnée depuis des années, voilà comment, depuis le début de la crise, le McDonald’s de Saint-Barthélémy, à Marseille, a été réquisitionné par les habitants et les militants du coin pour le transformer en plateforme de distribution de nourriture pour les plus démunis. À Marseille, face à la crise sanitaire, solidarité populaire.

« Réquisition citoyenne », c’est ainsi que Salim décrit l’action qu’il mène avec d’autres militants, contre la volonté de McDonald’s France : « on voyait des familles qui ne mangeaient pas à leur faim. On n’y croyait pas, mais c’était la réalité, et c’était un crève-cœur de voir ce resto abandonné là, alors on s’est dit qu’il fallait faire quelque chose. » Avec le soutien d’associations comme Emmaüs et les dons de grossistes alimentaires et de petits commerçants, la plateforme a déjà distribué des pâtes, du riz et des produits de première nécessité à des centaines de familles du nord de Marseille.

Ils fournissent même des fruits et légumes bio grâce aux dons des paysans du coin : « du coup, les habitants des quartiers populaires ont des produits de qualité qu’ils ne touchent pas habituellement. »

Ce n’est pas un hasard si c’est dans ce restaurant-là que la solidarité est née : liquidé judiciairement depuis décembre 2019, c’est le centre d’une lutte sociale acharnée des anciens salariés pour conserver leurs emplois. D’abord conciliante avec l’action, la direction de McDonald’s France a finalement fait savoir, via ses avocats, qu’elle ne souhaitait en aucune façon être associée de près ou de loin à cette opération.

Mais les animateurs de cette opération de solidarité ne veulent pas passer pour des « professionnels de la misère ». Ils ne confondent pas la bonne conscience charitable avec l’urgence solidaire. Avant tout, ils accusent les pouvoirs publics de ne pas remplir leur mission. La pauvreté dans les quartiers populaires est le résultat de choix politiques. Il faut le rappeler inlassablement, notre pays a tout à fait les moyens de satisfaire les droits et les besoins de chacun à être soigné, formé et logé. Tout est affaire de redistribution, c’est-à-dire de choix idéologiques. Lors de la crise de 2008, les banques et les grandes entreprises ont été renflouées par l’État au prix d’une décennie d’austérité et de ravages, dans la santé comme dans l’éducation. Parfaite illustration du bon vieux principe « les bénéfices sont privés, les déficits sont publics ».

Dix millions de Français vivent en-dessous du seuil de pauvreté et ils sont les plus durement frappés par cette crise brutale. Les précaires, ceux qui vivotent de petits boulots, ceux qui bricolent au noir, nombreux sont ceux qui n’auront droit à rien. De plus, la fermeture des cantines scolaires augmente le budget nourriture pour les familles.

À l’échelle mondiale, les deux milliards de personnes qui travaillent dans le « secteur informel », selon l’Organisation internationale du travail, se retrouvent sans aucun revenu et aucune couverture sociale [1] . Au total, quatre milliards d’êtres humains n’ont aucune protection sociale formelle. Cette vague de misère qui vient va entraîner une série de dérèglements et de violences incontrôlables.

Par Taha Bouhafs (publié le 20/04/2020)
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