Victoire majeure pour les communautés autochtones de l’Équateur
Le gouvernement devra désormais obtenir le consentement des Premières nations pour tout nouveau projet d'exploitation minière et de forage sur leur territoire. De quoi freiner les ardeurs du président Lasso qui entend doubler la production pétrolière dans les prochaines années.

Alors que l’exportation de pétrole est un des piliers de son économie, les catastrophes environnementales liées à son extraction s’enchaînent en Équateur. 

Il y a deux semaines encore, le bris d’un oléoduc a provoqué une importante fuite dans une réserve naturelle protégée.

Ce sont près de 6300 barils de pétrole qui se sont ainsi déversés dans le parc national de Cayembe-Coca au nord de l’Équateur, puis dans la rivière Coca qui alimente de nombreuses communautés en eau, y compris des communautés autochtones.

Ce genre d’événement est l’une des raisons pour lesquelles ces dernières s'opposent depuis des décennies à l'extraction des ressources naturelles sur leurs terres, riches en pétrole et en minéraux. 

Mais la semaine dernière, la plus haute juridiction d’Équateur a parlé, apprenait le New York Times. Et les règles du jeu pourraient être en train de changer.

Un énorme changement

Le gouvernement de Guillermo Lasso à la tête du pays depuis le 24 mai 2021, est désormais contraint de demander l'autorisation concernant de nouveaux projets d'exploitation minière et pétrolière. Une décision qui s'applique aux 14 groupes autochtones reconnus du pays.

Cet arrêt représente un transfert majeur de pouvoir dans le pays, a rappelé Brian Parker, un avocat d'Amazon Frontlines impliqué dans le dossier.

«Le gouvernement a pu faire ce qu'il voulait. Maintenant, il doit obtenir le consentement», a-t-il martelé.

Si une communauté autochtone refuse un projet, le gouvernement peut toujours aller de l'avant, mais seulement dans des «cas exceptionnels», qui ne porteront pas atteinte aux droits des Premiers peuples et de la nature.

«Nous sommes une petite communauté, mais nous avons réalisé quelque chose de si grand, de si historique, que cela servira à d'autres communautés qui ont les mêmes problèmes», a par ailleurs souligné Wider Guaramag, membre de la communauté A'i Cofan de Sinangoe, dans le nord du pays, qui a intenté le procès.

Cette décision porte un coup aux ambitions du président Guillermo Lasso, qui avait prévu doubler la production pétrolière en plus de développer l'exploitation minière dans les années à venir.

Le saccage de l’Amazonie

Depuis les 50 dernières années, les compagnies pétrolières ont extrait d'immenses quantités de brut de l'Amazonie.

Selon les données de 2019 de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), l’Équateur dispose de réserves évaluées à 8,8 milliards de barils de pétrole, surtout en zone amazonienne.

L’industrie de l’or noir a ainsi provoqué la destruction de la forêt tropicale, essentielle dans la lutte aux changements climatiques sans parler des communautés qui y vivent.

Entre 1967 et 1993, l’entreprise Chevron-Texaco a creusé 350 puits de pétrole et 880 bassins de rétention au cœur de la forêt tropicale. En quittant le pays, la société a laissé derrière elle un millier de fosses à ciel ouvert, remplies de pétrole brut et de boues toxiques.

Par Anne-Sophie Poiré (publié le 13/02/2022)
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