29 Avr 2014
S’inspirant du père de l’indépendance indienne, Rajagopal organise d’immenses marches pacifiques. Objectif : permettre aux déshérités des campagnes, dont il est devenu le héros, d’accéder à la propriété de terres cultivables.
Rajagopal dégage une aisance qui lui vient peut-être de son passé de danseur classique indien. L’accolade est franche, le sourire, large. « You’re doing a great job, my friend », lance-t-il aux quelques journalistes et responsables d’association venus le rencontrer à Paris, début décembre, dans les loges d’une petite salle de spectacle du 2e arrondissement. Difficile d’imaginer qu’on est ici face au héros de millions d’Indiens, « quasi inaccessible » dans son pays, nous a-t-on prévenu, tant il y est sollicité, dans la rue, et par téléphone – celui-ci sonne sans cesse.
Contrôle de la terre
À 7000 km de là, ce n’est pas en dansant que l’homme est devenu célèbre, mais en marchant. Rajagopal est l’initiateur de l’une des plus grandes marches non-violentes de l’histoire de l’humanité. C’était en 2012. Le 2 octobre, 100 000 paysans indiens cheminent de la ville de Gwalior vers le Parlement, à New Delhi, la capitale. Leur objectif : obtenir le droit à posséder leur propre terre. Femmes, hommes, jeunes, vieux : une marée de tenues multicolores et de drapeaux se met en marche pacifiquement. Au bout de dix jours, quand le cortège est à Agra, avant même d’arriver à destination, le gouvernement cède. Un accord est conclu. Il prévoit une réforme agraire qui fournira des terres cultivables et des terrains habitables aux déshérités des campagnes. Une victoire pour des millions d’Indiens. Parmi les marcheurs, on trouve aussi une dizaine de paysans français, venus soutenir en Inde une agriculture responsable et équitable. De cette rencontre entre producteurs du Nord et du Sud naîtra un documentaire, Un nouveau monde en marche. C’est ce qui nous donnera l’occasion de rencontrer Rajagopal, de passage en France pour la projection du film.
Rajagopal Puthan Veetil est le fondateur et président d’Ekta Parishad, un mouvement populaire créé en 1991 pour aider les communautés marginalisées d’Inde à se réapproprier les ressources fondamentales. « Impossible de combattre la pauvreté sans contrôle de la terre, des forêts et de l’eau », explique-t-il. Ekta Parishad milite aussi pour la sauvegarde des cultures tribales, l’émancipation des femmes et une agriculture respectueuse de l’environnement. Son arme ? La marche.
En 2005, un premier groupe de quelque 5 000 paysans s’élance de l’État du Chhattisgarh pour demander réparation des dégâts provoqués par une usine de la région. Direction New Delhi. Ils n’auront qu’à marcher 300 km avant d’être entendus par le gouvernement. En 2007, au départ du Madhya Pradesh, État au centre de l’Inde, un nouveau cortège rassemble 25 000 personnes. Au fil du chemin vers la capitale, 100 000 autres participants s’y joignent. Cette fois, 123 km suffisent à faire plier l’État. Sans débordements, par leur seule présence, les manifestants obtiennent du gouvernement le Forest Rights Act, une loi qui reconnaît des droits à 1,2 million de ruraux sur les terres qu’ils habitent. Jamais, depuis le combat de Gandhi pour l’indépendance de l’Inde, on n’avait vu une telle foule se mobiliser.
On dénombre encore aujourd’hui 14 millions de sans-terre en Inde. « Des ressources, il y en a pourtant. Le gouvernement en distribue aux grands groupes, l’eau à Coca Cola par exemple, dénonce Rajagopal, non-violent mais pas naïf pour autant. À mesure que le pays croît, les bidonvilles s’agrandissent, les fermiers s’appauvrissent, les suicides augmentent. Misère, exploitation, corruption, injustice créent une immense colère dans ce pays ! » Cette colère, il veut la tourner à l’avantage de ceux qui la ressentent. À la façon d’un Stéphane Hessel, l’homme vante les mérites de la révolte contre l’ordre des choses : « Il y a l’énergie du vent et du soleil, l’énergie nucléaire, et puis celle de la colère. L’homme révolté voit sa volonté décuplée. C’est un énorme gisement d’énergie, disponible partout. La vraie question est de savoir comment la mobiliser de façon constructive. »
« Une manif, ça se prépare »
Pour réussir une campagne non violente : préparation, discipline, endurance. La préparation, de 2005 à 2007, a conduit Rajagopal à travers son pays pour parler aux sans-terres et les préparer à agir. La discipline a permis à Ekta Parishad de parler d’une voix pour lancer des ultimatums aux puissants. Et l’endurance, c’est celle de ces milliers de personnes qui ont marché des jours durant, parfois pieds nus, dormant sur la route, avec un repas par jour. La méthode serait-elle exportable ? Le conseil de Rajagopal aux manifestants occidentaux est sans appel : « Vous êtes trop désorganisés ! Il ne suffit pas de jeter dans la rue des mécontents. Un rassemblement, ça se prépare. Il faut se fixer une ligne de conduite. Par exemple, en apprenant à ne pas réagir aux provocations de la police. »
L’homme ne voit pas la manif comme une guerre mais comme un acte mutuel de transformation. Il s’agit de faire « changer l’autre pour se changer soi-même », plutôt que d’attiser les dissensions. Comme ces policiers indiens qui, à force de surveiller la procession, sont venus apporter aux manifestants vêtements et nourriture, une fois la nuit et l’uniforme tombés. Mais ne nous y trompons pas, le procédé puise aussi son efficacité dans une culture bien ancrée : « c’est Gandhi qui a popularisé le Satyagraha : la résistance à l’oppression par la désobéissance non violente. Après lui, beaucoup d’autres Indiens ont pratiqué la marche pacifique. Il y a une vraie tradition sur ce continent. »
Gandhi des grands chemins
La figure du mahatma Gandhi a profondément marqué Rajagopal. Son père était de ceux qui, aux côtés de l’icône, ont lutté pacifiquement pour l’indépendance indienne. Souvent absent, il laisse grandir Rajagopal dans un ashram, dans le sud de l’État du Kerala. Au sein de cet ermitage perdu dans la nature règne un doux esprit communautaire inspiré de la philosophie du mahatma : « Nous vivions ensemble, travaillions ensemble, respections toutes les religions. » c’est pour revenir vers ce village que Rajagopal décide, à l’âge de 19 ans, d’arrêter la danse. Une discipline « bonne pour les classes moyennes ! » lance-t-il en riant. Il passe alors un diplôme d’ingénieur agricole, avec l’idée d’aider les fermiers locaux.
C’est paradoxalement Gandhi qui, même mort, va le mener ailleurs. En 1969, Rajagopal vient de terminer ses études et, pour fêter le centenaire de la naissance du héros, embarque à bord du Gandhi Express, un train spécial qui sillonne l’Inde pour enseigner son héritage à la nouvelle génération. Son voyage dure un an. Il échange avec de nombreux jeunes, avant de poser le pied dans la vallée du Chambal. Depuis longtemps, la région est terrorisée par les dacoïts, des bandes armées souvent composées de sans-terres et d’intouchables qui attaquent les trains, kidnappent les habitants et tiennent même tête à l’armée.
Rajagopal va mettre sa philosophie à l’épreuve. « C’était un test. » Avec des jeunes de la région, il part marcher sur les terres des bandits. Ils chantent, ils dansent. Des leaders gandhiens rejoignent le mouvement. « Cela a créé une atmosphère particulière. Les gens se sont dit qu’une grande énergie peut-être utilisée pour mener du travail constructif. » Lentement, gandhiens et bandits apprennent à se connaître. Rajagopal passe un marché avec le gouvernement : ceux qui se rendent iront en prison mais sauveront leur tête. « Ce n’est pas facile de convaincre quelqu’un d’aller passer vingt ans sous les verrous, se rappelle-t-il. Nous leur répétions qu’eux aussi pouvaient espérer une bonne vie et une famille. Plusieurs fois, nous avons été passés à tabac. »
Violence structurelle
Victoire en avril 1972. Des milliers de dacoïts déposent les armes devant le portrait de Gandhi. Au grand dam de certains policiers corrompus, la région acclame l’exploit. « C’est là, plus que dans mon enfance, qu’il faut chercher l’origine de ma foi en la non-violence », éclaire Rajagopal. Son groupe aidera ensuite les prisonniers et leurs familles à se réinsérer.
Cet épisode conduit Rajagopal à s’engager contre ce qu’il appelle la « violence structurelle ». « On ne parle de la violence que lorsqu’il y a guerre ou meurtre. Mais la violence commence lorsque l’on refuse à des populations l’accès à une vie digne », explique-t-il. Son combat contre la corruption, l’accaparement des terres et l’esclavage s’appuie sur la jeunesse pour transformer la société indienne. En 1985, il est nommé à la Cour suprême pour enquêter sur les travailleurs asservis. Le poste lui permettra d’émanciper des milliers de travailleurs de leur condition de quasi-esclave, dans les carrières et sur les chantiers. Vice-président de la Gandhi Peace Foundation, Rajagopal a besoin d’une structure pour fédérer ses actions, qui se développent à travers tout le pays. C’est ainsi qu’en 1991 naît Ekta Parishad – « forum de l’unité » en hindi. Un an plus tard, Rajagopal rencontre Jill Carr-Harris, une Canadienne engagée pour le changement social en Inde depuis 1986. Il l’épouse en 2000.
« Il y a assez de richesses dans le monde pour répondre aux besoins de tous, mais pas assez pour l’avidité de tous. » Près d’un siècle plus tard, la phrase de Gandhi sert de boussole à Rajagopal. Sa philosophie, son mode d’action peuvent-ils faire des émules? « Je le crois, avance-t-il. Le problème de l’accaparement des terres n’est pas propre à l’Inde. Les paysans d’Afrique font face aux mêmes difficultés. » D’ailleurs, celui que plusieurs médias internationaux ont surnommé « le nouveau Gandhi » trouve aussi son inspiration hors d’Inde : Evo Morales, en Bolivie, pour les droits donnés aux indigènes ; le Dalaï-Lama, au Tibet, pour son action non-violente ; José Mujica, président de l’Uruguay, pour sa défense d’un développement sobre. Et Nelson Mandela, bien entendu, qui lui, attends son successeur.
Par Côme Bastin (10 Avril 2014)
Lire sur le site de wedemain.fr
Rajagopal dégage une aisance qui lui vient peut-être de son passé de danseur classique indien. L’accolade est franche, le sourire, large. « You’re doing a great job, my friend », lance-t-il aux quelques journalistes et responsables d’association venus le rencontrer à Paris, début décembre, dans les loges d’une petite salle de spectacle du 2e arrondissement. Difficile d’imaginer qu’on est ici face au héros de millions d’Indiens, « quasi inaccessible » dans son pays, nous a-t-on prévenu, tant il y est sollicité, dans la rue, et par téléphone – celui-ci sonne sans cesse.
Contrôle de la terre
À 7000 km de là, ce n’est pas en dansant que l’homme est devenu célèbre, mais en marchant. Rajagopal est l’initiateur de l’une des plus grandes marches non-violentes de l’histoire de l’humanité. C’était en 2012. Le 2 octobre, 100 000 paysans indiens cheminent de la ville de Gwalior vers le Parlement, à New Delhi, la capitale. Leur objectif : obtenir le droit à posséder leur propre terre. Femmes, hommes, jeunes, vieux : une marée de tenues multicolores et de drapeaux se met en marche pacifiquement. Au bout de dix jours, quand le cortège est à Agra, avant même d’arriver à destination, le gouvernement cède. Un accord est conclu. Il prévoit une réforme agraire qui fournira des terres cultivables et des terrains habitables aux déshérités des campagnes. Une victoire pour des millions d’Indiens. Parmi les marcheurs, on trouve aussi une dizaine de paysans français, venus soutenir en Inde une agriculture responsable et équitable. De cette rencontre entre producteurs du Nord et du Sud naîtra un documentaire, Un nouveau monde en marche. C’est ce qui nous donnera l’occasion de rencontrer Rajagopal, de passage en France pour la projection du film.
Rajagopal Puthan Veetil est le fondateur et président d’Ekta Parishad, un mouvement populaire créé en 1991 pour aider les communautés marginalisées d’Inde à se réapproprier les ressources fondamentales. « Impossible de combattre la pauvreté sans contrôle de la terre, des forêts et de l’eau », explique-t-il. Ekta Parishad milite aussi pour la sauvegarde des cultures tribales, l’émancipation des femmes et une agriculture respectueuse de l’environnement. Son arme ? La marche.
En 2005, un premier groupe de quelque 5 000 paysans s’élance de l’État du Chhattisgarh pour demander réparation des dégâts provoqués par une usine de la région. Direction New Delhi. Ils n’auront qu’à marcher 300 km avant d’être entendus par le gouvernement. En 2007, au départ du Madhya Pradesh, État au centre de l’Inde, un nouveau cortège rassemble 25 000 personnes. Au fil du chemin vers la capitale, 100 000 autres participants s’y joignent. Cette fois, 123 km suffisent à faire plier l’État. Sans débordements, par leur seule présence, les manifestants obtiennent du gouvernement le Forest Rights Act, une loi qui reconnaît des droits à 1,2 million de ruraux sur les terres qu’ils habitent. Jamais, depuis le combat de Gandhi pour l’indépendance de l’Inde, on n’avait vu une telle foule se mobiliser.
On dénombre encore aujourd’hui 14 millions de sans-terre en Inde. « Des ressources, il y en a pourtant. Le gouvernement en distribue aux grands groupes, l’eau à Coca Cola par exemple, dénonce Rajagopal, non-violent mais pas naïf pour autant. À mesure que le pays croît, les bidonvilles s’agrandissent, les fermiers s’appauvrissent, les suicides augmentent. Misère, exploitation, corruption, injustice créent une immense colère dans ce pays ! » Cette colère, il veut la tourner à l’avantage de ceux qui la ressentent. À la façon d’un Stéphane Hessel, l’homme vante les mérites de la révolte contre l’ordre des choses : « Il y a l’énergie du vent et du soleil, l’énergie nucléaire, et puis celle de la colère. L’homme révolté voit sa volonté décuplée. C’est un énorme gisement d’énergie, disponible partout. La vraie question est de savoir comment la mobiliser de façon constructive. »
« Une manif, ça se prépare »
Pour réussir une campagne non violente : préparation, discipline, endurance. La préparation, de 2005 à 2007, a conduit Rajagopal à travers son pays pour parler aux sans-terres et les préparer à agir. La discipline a permis à Ekta Parishad de parler d’une voix pour lancer des ultimatums aux puissants. Et l’endurance, c’est celle de ces milliers de personnes qui ont marché des jours durant, parfois pieds nus, dormant sur la route, avec un repas par jour. La méthode serait-elle exportable ? Le conseil de Rajagopal aux manifestants occidentaux est sans appel : « Vous êtes trop désorganisés ! Il ne suffit pas de jeter dans la rue des mécontents. Un rassemblement, ça se prépare. Il faut se fixer une ligne de conduite. Par exemple, en apprenant à ne pas réagir aux provocations de la police. »
L’homme ne voit pas la manif comme une guerre mais comme un acte mutuel de transformation. Il s’agit de faire « changer l’autre pour se changer soi-même », plutôt que d’attiser les dissensions. Comme ces policiers indiens qui, à force de surveiller la procession, sont venus apporter aux manifestants vêtements et nourriture, une fois la nuit et l’uniforme tombés. Mais ne nous y trompons pas, le procédé puise aussi son efficacité dans une culture bien ancrée : « c’est Gandhi qui a popularisé le Satyagraha : la résistance à l’oppression par la désobéissance non violente. Après lui, beaucoup d’autres Indiens ont pratiqué la marche pacifique. Il y a une vraie tradition sur ce continent. »
Gandhi des grands chemins
La figure du mahatma Gandhi a profondément marqué Rajagopal. Son père était de ceux qui, aux côtés de l’icône, ont lutté pacifiquement pour l’indépendance indienne. Souvent absent, il laisse grandir Rajagopal dans un ashram, dans le sud de l’État du Kerala. Au sein de cet ermitage perdu dans la nature règne un doux esprit communautaire inspiré de la philosophie du mahatma : « Nous vivions ensemble, travaillions ensemble, respections toutes les religions. » c’est pour revenir vers ce village que Rajagopal décide, à l’âge de 19 ans, d’arrêter la danse. Une discipline « bonne pour les classes moyennes ! » lance-t-il en riant. Il passe alors un diplôme d’ingénieur agricole, avec l’idée d’aider les fermiers locaux.
C’est paradoxalement Gandhi qui, même mort, va le mener ailleurs. En 1969, Rajagopal vient de terminer ses études et, pour fêter le centenaire de la naissance du héros, embarque à bord du Gandhi Express, un train spécial qui sillonne l’Inde pour enseigner son héritage à la nouvelle génération. Son voyage dure un an. Il échange avec de nombreux jeunes, avant de poser le pied dans la vallée du Chambal. Depuis longtemps, la région est terrorisée par les dacoïts, des bandes armées souvent composées de sans-terres et d’intouchables qui attaquent les trains, kidnappent les habitants et tiennent même tête à l’armée.
Rajagopal va mettre sa philosophie à l’épreuve. « C’était un test. » Avec des jeunes de la région, il part marcher sur les terres des bandits. Ils chantent, ils dansent. Des leaders gandhiens rejoignent le mouvement. « Cela a créé une atmosphère particulière. Les gens se sont dit qu’une grande énergie peut-être utilisée pour mener du travail constructif. » Lentement, gandhiens et bandits apprennent à se connaître. Rajagopal passe un marché avec le gouvernement : ceux qui se rendent iront en prison mais sauveront leur tête. « Ce n’est pas facile de convaincre quelqu’un d’aller passer vingt ans sous les verrous, se rappelle-t-il. Nous leur répétions qu’eux aussi pouvaient espérer une bonne vie et une famille. Plusieurs fois, nous avons été passés à tabac. »
Violence structurelle
Victoire en avril 1972. Des milliers de dacoïts déposent les armes devant le portrait de Gandhi. Au grand dam de certains policiers corrompus, la région acclame l’exploit. « C’est là, plus que dans mon enfance, qu’il faut chercher l’origine de ma foi en la non-violence », éclaire Rajagopal. Son groupe aidera ensuite les prisonniers et leurs familles à se réinsérer.
Cet épisode conduit Rajagopal à s’engager contre ce qu’il appelle la « violence structurelle ». « On ne parle de la violence que lorsqu’il y a guerre ou meurtre. Mais la violence commence lorsque l’on refuse à des populations l’accès à une vie digne », explique-t-il. Son combat contre la corruption, l’accaparement des terres et l’esclavage s’appuie sur la jeunesse pour transformer la société indienne. En 1985, il est nommé à la Cour suprême pour enquêter sur les travailleurs asservis. Le poste lui permettra d’émanciper des milliers de travailleurs de leur condition de quasi-esclave, dans les carrières et sur les chantiers. Vice-président de la Gandhi Peace Foundation, Rajagopal a besoin d’une structure pour fédérer ses actions, qui se développent à travers tout le pays. C’est ainsi qu’en 1991 naît Ekta Parishad – « forum de l’unité » en hindi. Un an plus tard, Rajagopal rencontre Jill Carr-Harris, une Canadienne engagée pour le changement social en Inde depuis 1986. Il l’épouse en 2000.
« Il y a assez de richesses dans le monde pour répondre aux besoins de tous, mais pas assez pour l’avidité de tous. » Près d’un siècle plus tard, la phrase de Gandhi sert de boussole à Rajagopal. Sa philosophie, son mode d’action peuvent-ils faire des émules? « Je le crois, avance-t-il. Le problème de l’accaparement des terres n’est pas propre à l’Inde. Les paysans d’Afrique font face aux mêmes difficultés. » D’ailleurs, celui que plusieurs médias internationaux ont surnommé « le nouveau Gandhi » trouve aussi son inspiration hors d’Inde : Evo Morales, en Bolivie, pour les droits donnés aux indigènes ; le Dalaï-Lama, au Tibet, pour son action non-violente ; José Mujica, président de l’Uruguay, pour sa défense d’un développement sobre. Et Nelson Mandela, bien entendu, qui lui, attends son successeur.
Par Côme Bastin (10 Avril 2014)
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