Migrants. Des villages à bras ouverts
Dans l’Allier, des villages sont devenus, grâce à la volonté de maires, d’habitants et d’associations, des lieux d’accueil pour des réfugiés venus d’Afrique, de Syrie ou d’Afghanistan. Rencontres au sein de cette ruralité qui a la solidarité au cœur.

Dans les frimas de décembre, une silhouette bossue émerge à hauteur du tilleul de Sully, planté au cœur de La Petite-Marche. Un enfant emmailloté dans le dos, Mariam déambule lentement dans le froid qui recouvre le village des Combrailles. Après quelques mètres, la voici sur le perron de la mairie. C’est ici, au premier étage du bâtiment municipal que sa sœur, Kawsar, a élu domicile. Ce matin-là, les deux jeunes femmes ont rendez-vous avec Gérard Renoux, maire sans étiquette de cette commune de 200 âmes. Accompagné de Roger Tripier, le premier adjoint, l’édile est venu prendre des nouvelles de la famille. « C’est moi qui les ai fait venir il y a six mois avec leurs enfants, alors je me sens responsable de leur bien-être », explique-t-il, tout en grimpant les escaliers qui mènent de la salle du conseil à leur appartement.

« J’ai toujours été sensible à la problématique des migrants »
Mariam, 28 ans, et Kawsar, 29, sont nées au Darfour, à l’ouest du Soudan. Lorsqu’en 2002 la guerre civile éclate, la vie de cette famille de bergers va être bouleversée. « Les janjawids (1) sont venus dans notre village et ont tout dévasté », raconte Mariam, en tentant de se défaire des couches de châles inhabituelles pour elle. « Plusieurs membres de notre famille, dont des frères et notre père, ont été massacrés », ajoute Kawsar, faisant s’installer les invités autour de la table. Le viol est une arme de terreur largement usitée par les hommes de main de Khartoum, aussi leur mère décide-t-elle de fuir le Soudan pour rejoindre le Tchad voisin, point de départ d’un long périple. Quinze années d’errance chaotique s’ensuivent, qui les mèneront d’un camp d’exilés à l’autre (neuf au total), avant que l’Office français des réfugiés et apatrides (Ofpra) ne sélectionne la famille pour l’intégrer au programme de réinstallation du HCR, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Début 2018, elles obtiennent un titre de séjour de dix ans.

Leur présence dans l’Allier n’est cependant pas le fruit du hasard. « Nous avions deux logements communaux libres depuis plus de deux ans, rappelle Gérard Renoux, alors que le loyer ne dépassait pas les 250 euros. Dans le même temps, j’ai toujours été sensible à la problématique des migrants. L’association Viltaïs nous a mis en relation avec Mariam et Kawsar et j’ai décidé de les accueillir ! » Arrivées en France en février, les deux mères et leurs enfants (5 et 4 respectivement) échouent d’abord à Lalizolle, à 40 kilomètres de La Petite-Marche. Le maire du village, Gilles Trapenard, les reçoit dans le cadre d’un programme d’accueil provisoire de quatre mois, avant une installation de plus long terme à La Petite-Marche. Mais le court passage à Lalizolle restera un souvenir fort pour tout le clan. « C’est là-bas que bébé Pierre est né », se remémore Mariam installant l'enfant encore ensommeillé.

Par Stéphane Aubouard (publié le 26/12/2018)
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