En Norvège, les harceleurs sont considérés comme des «losers»
«J'ai vécu pendant un an à Tromsø en tant qu'étudiante en échange universitaire. Malgré les sorties, le retour à la maison en bus ou à pied n'a jamais posé de problème malgré la présence de personnes ivres.» Anya, 23 ans, Française expatriée.

«Un jour, un homme s'est mis à me toucher dans le métro. Comme il n'arrêtait pas, j'ai fini par lui dire “stop!”. Tout le monde a eu peur autour de moi je pense, car personne n'a réagi.» Mary, 27 ans, Norvégienne en stage dans un hôpital à Lyon.

«En France, j'ai déjà été interpellée de nombreuses fois par des hommes, qu'il s'agisse de sifflements ou de remarques. En Norvège, je n'ai jamais vécu de harcèlement de rue.» Jade, 22 ans, Française.

Après avoir appris, lors d'une réunion en présence de féministes scandinaves, qu'une Norvégienne venue étudier à Paris avait déménagé au Canada en pleine année scolaire car elle était «fatiguée» d'être importunée dans la rue, je me rappelle avoir rougi de honte. En sortant ce soir-là dans les rues de Tromsø, la plus grande ville du nord de la Norvège que l'on surnomme aussi «le Paris Nord», je me suis rendue compte que depuis six mois je n'avais été confrontée à aucun harcèlement de rue.

Pourtant en France, comme 81 % des femmes, j'étais la cible régulière de remarques, de sifflements salaces comme de compliments fugaces d'inconnus croisés sur mon chemin. Comment expliquer que l'expérience des femmes dans l'espace public soit à ce point différente d'un pays à un autre?

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Une vision différente des masculinités

«Je pense que lorsqu'un homme interpelle une femme dans la rue, il indique qu'il se sent en charge des rapports ou qu'il se sent supérieur à elle. En Norvège, si un homme se comporte de cette façon, les autres vont le considérer comme un loser. Un winner ne se le permettra pas», témoigne un enseignant norvégien âgé de 29 ans. Les constructions de la masculinité au sein des espaces publics varient en fonction de la géographie et de la société: «Il n'est pas valorisé d'accoster une femme dans la rue ou de la siffler», affirme aussi Anne Bitsch, spécialiste des violences sexuelles en Norvège.

Une différence qui s'explique en partie par une longue lutte pour l'égalité entre les sexes: la première loi sur l'égalité entre les hommes et les femmes est votée en 1978 en Norvège pendant la seconde vague féministe dans les années 1970. À cette période émerge également un mouvement unique en Europe: les Myke menn [«hommes doux»] qui s'élèvent contre le mythe viking de la virilité et contre les stéréotypes masculins qui coïncident peu avec leurs désirs de s'occuper de leurs enfants.

Aujourd'hui la sensibilisation aux questionnements liés au genre est prise en charge par les municipalités: les services sociaux norvégiens ont mis en place une journée dédiée au partage des émotions pour les garçons en classe de 3e. Les élèves sont amenés à se questionner sur leur ressenti en tant que garçon afin de déconstruire les idées reçues qui pourraient leur nuire...

Par Léa Dang (publié le 19/06/2019)
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