08 Sept 2024
Dans une décision historique rendue vendredi 19 juillet, la Cour internationale de justice a considéré qu’Israël doit cesser toute activité de colonisation en territoire palestinien et restituer à ses habitants leurs terres et biens confisqués depuis 1967.
Une décision « historique » selon la présidence palestinienne. Vendredi 19 juillet, le prestigieux organe de justice des Nations unies a reconnu de manière inédite l’illégalité de l’occupation israélienne dans les territoires palestiniens. Certes, le prononcé de l’illégalité de la colonisation était attendu. Mais la Cour internationale de justice (CIJ) est allée encore plus loin en estimant qu’Israël avait l’obligation de « mettre fin à sa présence illicite en territoires palestiniens occupés dans les plus brefs délais », d’« évacuer tous les colons » et de « réparer le préjudice causé à toutes les personnes civiles ou morales ». Autrement dit, de restituer les biens acquis par la force ou, si c’est techniquement impossible, de passer par la voie de l’indemnisation.
Si la guerre à Gaza, qui dure depuis maintenant neuf mois, a largement élargi le contexte de l’affaire, cette décision intervient dans le cadre d’une demande d’avis consultatif que l’Assemblée générale des Nations unies a formulée dès 2022 à son organe juridictionnel et pour lequel près de cinquante-deux États ont plaidé en février dernier. Aucun représentant israélien ne s’était rendu à l’audience. Quelques minutes après la prise de parole du président de la Cour, le premier ministre Benyamin Nétanyahou s’est empressé de dénoncer une « décision mensongère ».
L’association engagée contre la colonisation israélienne « La Paix maintenant » a déclaré sur ses réseaux sociaux : « Nous devons arrêter l’occupation, arrêter la guerre, accepter l’accord sur les otages et dire oui à la solution à deux États. » Amnesty International a félicité « une revendication historique des droits des Palestiniens qui ont enduré des décennies de cruauté et de violations systématiques des droits de l’homme résultant de l’occupation illégale d’Israël ».
Cet avis – qui a largement donné raison à l’Autorité palestinienne – accroît la pression internationale contre l’État hébreu qui, depuis décembre 2023, est visé par une autre procédure devant la CIJ, intentée par l’Afrique du Sud, et visant à faire reconnaître la guerre actuelle à Gaza comme étant un acte de génocide.
« Profonde inquiétude »
« Transfert de colons par Israël », « confiscation de vastes étendues de terre », « exploitation des ressources naturelles », « actes de violence commis par les colons israéliens », « annexion »… les infractions pointées du doigt par le président libanais de la Cour, Nawaf Salam, sont nombreuses et multiples par nature.
Avec onze voix contre quatre, le tribunal international a notamment considéré que l’application du droit interne israélien en territoire palestinien a permis la destruction de 11 000 structures palestiniennes depuis 2009 dans le cadre de la colonisation, ainsi que le « transfert forcé de la population palestinienne », un acte prohibé par la convention de Genève – qu’Israël a ratifiée. La Cour a également considéré qu’« Israël manque systématiquement de punir ou de prévenir les actes de violence des colons ».
L’Assemblée générale des Nations unies demandait aussi à la CIJ de trancher la question de l’apartheid qu’Israël imposerait aux Palestinien·nes en leur appliquant une loi discriminatoire. Là encore, la Cour estime que les lois qui permettent de détruire des bâtiments palestiniens, de restreindre la liberté de circuler ou qui régissent strictement le permis de résidence à Jérusalem-Est sont contraires au « droit à l’autodétermination » du peuple palestinien. La CIJ indique qu’Israël a pour obligation d’abroger ces lois.
Après une heure de rhétorique strictement juridique sous les voûtes de la grande salle du palais de la Paix à La Haye (Pays-Bas), le président, lisant toujours l’avis rédigé, a fait part d’une « profonde inquiétude » liée à l’accélération de la colonisation israélienne depuis 2022, dont près de 24 000 nouvelles habitations en un an et demi, dont 9 600 à Jérusalem-Est. « Israël traite Jérusalem-Est comme sa propre terre », continue le magistrat, en insistant sur le « caractère prolongé » de la colonisation.
Pression accentuée
Si l’avis de la Cour n’est pas contraignant juridiquement, il le deviendra si les organes exécutifs des Nations unies décident d’adopter des mesures contre Israël « pour mettre fin dans les plus brefs délais à la présence illicite d’Israël en territoires palestiniens occupés », lui demande la Cour. À cet égard, il est important de rappeler que la dernière résolution du Conseil de sécurité de l’ONU ordonnant un cessez-le-feu immédiat n’a toujours pas eu d’effet à Gaza.
En revanche, en estimant obligatoire l’interruption immédiate par Israël de sa politique de colonisation, la CIJ estime que les États membres de l’ONU doivent, eux aussi, cesser de l’encourager et « d’assurer qu’Israël respecte le droit international humanitaire », a annoncé la Cour. Cela peut notamment s’illustrer par l’arrêt des aides financières ou du commerce des armes avec l’État hébreu.
Entre janvier et mai, dans le cadre de la requête de l’Afrique du Sud sur la reconnaissance d’un génocide à Gaza, la CIJ avait déjà ordonné à l’État hébreu d’empêcher son armée de commettre des actes interdits par le droit international, de cesser ses offensives dans la ville de Rafah et de laisser passer l’aide humanitaire dans l’enclave pour éviter une famine. Le 4 juin, l’Autorité palestinienne avait émis son souhait de se greffer à la procédure par le biais d’une requête écrite à l’organe judiciaire.
Mediapart - Zeina Kovacs - 19 juillet 2024
Une décision « historique » selon la présidence palestinienne. Vendredi 19 juillet, le prestigieux organe de justice des Nations unies a reconnu de manière inédite l’illégalité de l’occupation israélienne dans les territoires palestiniens. Certes, le prononcé de l’illégalité de la colonisation était attendu. Mais la Cour internationale de justice (CIJ) est allée encore plus loin en estimant qu’Israël avait l’obligation de « mettre fin à sa présence illicite en territoires palestiniens occupés dans les plus brefs délais », d’« évacuer tous les colons » et de « réparer le préjudice causé à toutes les personnes civiles ou morales ». Autrement dit, de restituer les biens acquis par la force ou, si c’est techniquement impossible, de passer par la voie de l’indemnisation.
Si la guerre à Gaza, qui dure depuis maintenant neuf mois, a largement élargi le contexte de l’affaire, cette décision intervient dans le cadre d’une demande d’avis consultatif que l’Assemblée générale des Nations unies a formulée dès 2022 à son organe juridictionnel et pour lequel près de cinquante-deux États ont plaidé en février dernier. Aucun représentant israélien ne s’était rendu à l’audience. Quelques minutes après la prise de parole du président de la Cour, le premier ministre Benyamin Nétanyahou s’est empressé de dénoncer une « décision mensongère ».
L’association engagée contre la colonisation israélienne « La Paix maintenant » a déclaré sur ses réseaux sociaux : « Nous devons arrêter l’occupation, arrêter la guerre, accepter l’accord sur les otages et dire oui à la solution à deux États. » Amnesty International a félicité « une revendication historique des droits des Palestiniens qui ont enduré des décennies de cruauté et de violations systématiques des droits de l’homme résultant de l’occupation illégale d’Israël ».
Cet avis – qui a largement donné raison à l’Autorité palestinienne – accroît la pression internationale contre l’État hébreu qui, depuis décembre 2023, est visé par une autre procédure devant la CIJ, intentée par l’Afrique du Sud, et visant à faire reconnaître la guerre actuelle à Gaza comme étant un acte de génocide.
« Profonde inquiétude »
« Transfert de colons par Israël », « confiscation de vastes étendues de terre », « exploitation des ressources naturelles », « actes de violence commis par les colons israéliens », « annexion »… les infractions pointées du doigt par le président libanais de la Cour, Nawaf Salam, sont nombreuses et multiples par nature.
Avec onze voix contre quatre, le tribunal international a notamment considéré que l’application du droit interne israélien en territoire palestinien a permis la destruction de 11 000 structures palestiniennes depuis 2009 dans le cadre de la colonisation, ainsi que le « transfert forcé de la population palestinienne », un acte prohibé par la convention de Genève – qu’Israël a ratifiée. La Cour a également considéré qu’« Israël manque systématiquement de punir ou de prévenir les actes de violence des colons ».
L’Assemblée générale des Nations unies demandait aussi à la CIJ de trancher la question de l’apartheid qu’Israël imposerait aux Palestinien·nes en leur appliquant une loi discriminatoire. Là encore, la Cour estime que les lois qui permettent de détruire des bâtiments palestiniens, de restreindre la liberté de circuler ou qui régissent strictement le permis de résidence à Jérusalem-Est sont contraires au « droit à l’autodétermination » du peuple palestinien. La CIJ indique qu’Israël a pour obligation d’abroger ces lois.
Après une heure de rhétorique strictement juridique sous les voûtes de la grande salle du palais de la Paix à La Haye (Pays-Bas), le président, lisant toujours l’avis rédigé, a fait part d’une « profonde inquiétude » liée à l’accélération de la colonisation israélienne depuis 2022, dont près de 24 000 nouvelles habitations en un an et demi, dont 9 600 à Jérusalem-Est. « Israël traite Jérusalem-Est comme sa propre terre », continue le magistrat, en insistant sur le « caractère prolongé » de la colonisation.
Pression accentuée
Si l’avis de la Cour n’est pas contraignant juridiquement, il le deviendra si les organes exécutifs des Nations unies décident d’adopter des mesures contre Israël « pour mettre fin dans les plus brefs délais à la présence illicite d’Israël en territoires palestiniens occupés », lui demande la Cour. À cet égard, il est important de rappeler que la dernière résolution du Conseil de sécurité de l’ONU ordonnant un cessez-le-feu immédiat n’a toujours pas eu d’effet à Gaza.
En revanche, en estimant obligatoire l’interruption immédiate par Israël de sa politique de colonisation, la CIJ estime que les États membres de l’ONU doivent, eux aussi, cesser de l’encourager et « d’assurer qu’Israël respecte le droit international humanitaire », a annoncé la Cour. Cela peut notamment s’illustrer par l’arrêt des aides financières ou du commerce des armes avec l’État hébreu.
Entre janvier et mai, dans le cadre de la requête de l’Afrique du Sud sur la reconnaissance d’un génocide à Gaza, la CIJ avait déjà ordonné à l’État hébreu d’empêcher son armée de commettre des actes interdits par le droit international, de cesser ses offensives dans la ville de Rafah et de laisser passer l’aide humanitaire dans l’enclave pour éviter une famine. Le 4 juin, l’Autorité palestinienne avait émis son souhait de se greffer à la procédure par le biais d’une requête écrite à l’organe judiciaire.
Mediapart - Zeina Kovacs - 19 juillet 2024