07 Sept 2013
Depuis la fin du mois d’août, Istanbul et quelques dizaines d’autres villes turques se couvrent d’arcs-en-ciel. La nuit, munis de pots de peinture de toutes les couleurs, des Stambouliotes peignent des escaliers et certains passages. Un mouvement artistique qui tend à se transformer en mouvement politique : la poursuite, plus calme, des protestations de la place Taksim, réprimées en juin.
Ce n’est pas un militant qui a lancé le mouvement, mais un simple commerçant de 64 ans, Huseyin Cetinel, ancien ingénieur des eaux et forêts. Il a commencé à peindre en bleu et vert les premières marches d’un grand escalier voisin, dans le quartier de Cihangir, qu’il trouvait « triste ». Il s’agissait de « faire sourire les passants », a-t-il expliqué. Puis il a continué, avec l’aide d’un ami, jusqu’au sommet. 200 marches : cela leur a pris plusieurs jours et 40 kilos de peinture. Les passants ont souri. Les réseaux sociaux ont vanté l’œuvre. Les médias ont commencé à en parler.
Gris répressif
Dans la matinée du 30 août, des agents municipaux sont arrivés, ont tout repeint en gris. Du mauvais travail : la couleur, comme une mauvaise herbe, continuait d’apparaître à la base de chaque marche.
Le gris du pouvoir peinant à étouffer les couleurs de la liberté : le symbole était parfait pour réveiller les militants de la place Taksim. Le commerçant-artiste a ironisé : « Mais d’où vient tout ce gris ? Avons-nous vécu un nouveau Pompéi et avons-nous été couverts de cendre ? »
La peinture grise est déjà, depuis la révolte de la jeunesse turque, le symbole de la répression : elle a recouvert tous les graffitis, affiches et autocollants posés sur les murs des villes. Un nouveau slogan a commencé à recouvrir les murs repeints : « Nous continuerons jusqu’à épuisement de la peinture grise ! »
Sur Facebook, un appel a été lancé pour repeindre l’escalier : « A vos pinceaux ».
Le maire repasse à la couleur
Ahmet Misbah Demircan, le maire de Beyoglu (la partie centrale d’Istanbul), comprend vite la boulette. Il ordonne immédiatement de repeindre l’escalier en couleur et « tweete » : « Nous avons terminé le travail préliminaire sur les couleurs des marches. Nous ferons un petit référendum. » Puis, dans un second tweet : « Je voterai oui. J’espère que les habitants le feront aussi. Une ère de marches colorées commence à Beyoglu. »
Le maire a précisé que l’auteur de ce « si magnifique projet » n’avait pas demandé d’autorisation : à la suite d’une plainte d’un voisin, les employés municipaux avaient donc décidé de repeindre en gris l’escalier. Au matin du 31 août, l’escalier a retrouvé ses couleurs.
Mais le maire est intervenu trop tard : la « Rainbow war » est déclarée. Question escaliers, il y a de quoi faire à Istanbul, « la ville aux sept collines ». Et on peut aussi peindre des murs, le sol ou des boules...
Mercredi encore, la police tentait de stopper des militants qui repeignaient un escalier dans le quartier d’Arnavutköy, sur la côte asiatique. Pourtant, selon la correspondante de Libération Selami Oztürk, le maire de Kadiköy a lancé un appel aux citoyens : « Les résidents de Kadiköy peuvent peindre les rues comme ils veulent. Liberté aux couleurs ! »
En prenant, munis de leurs pinceaux, l’urbanisme « autoritaire » comme cible de leurs protestations, les artistes-activistes restent en tout cas fidèles à l’ADN du mouvement de révolte réprimé en juin par le premier ministre Erdogan : il était né d’une réaction au projet de bétonnage du parc Gezi, aux abords de Taksim.
Par Pascal Riché, le 05/09/2013
Lire l'article et voir les vidéos correspondantes sur le site de Rue 89
Ce n’est pas un militant qui a lancé le mouvement, mais un simple commerçant de 64 ans, Huseyin Cetinel, ancien ingénieur des eaux et forêts. Il a commencé à peindre en bleu et vert les premières marches d’un grand escalier voisin, dans le quartier de Cihangir, qu’il trouvait « triste ». Il s’agissait de « faire sourire les passants », a-t-il expliqué. Puis il a continué, avec l’aide d’un ami, jusqu’au sommet. 200 marches : cela leur a pris plusieurs jours et 40 kilos de peinture. Les passants ont souri. Les réseaux sociaux ont vanté l’œuvre. Les médias ont commencé à en parler.
Gris répressif
Dans la matinée du 30 août, des agents municipaux sont arrivés, ont tout repeint en gris. Du mauvais travail : la couleur, comme une mauvaise herbe, continuait d’apparaître à la base de chaque marche.
Le gris du pouvoir peinant à étouffer les couleurs de la liberté : le symbole était parfait pour réveiller les militants de la place Taksim. Le commerçant-artiste a ironisé : « Mais d’où vient tout ce gris ? Avons-nous vécu un nouveau Pompéi et avons-nous été couverts de cendre ? »
La peinture grise est déjà, depuis la révolte de la jeunesse turque, le symbole de la répression : elle a recouvert tous les graffitis, affiches et autocollants posés sur les murs des villes. Un nouveau slogan a commencé à recouvrir les murs repeints : « Nous continuerons jusqu’à épuisement de la peinture grise ! »
Sur Facebook, un appel a été lancé pour repeindre l’escalier : « A vos pinceaux ».
Le maire repasse à la couleur
Ahmet Misbah Demircan, le maire de Beyoglu (la partie centrale d’Istanbul), comprend vite la boulette. Il ordonne immédiatement de repeindre l’escalier en couleur et « tweete » : « Nous avons terminé le travail préliminaire sur les couleurs des marches. Nous ferons un petit référendum. » Puis, dans un second tweet : « Je voterai oui. J’espère que les habitants le feront aussi. Une ère de marches colorées commence à Beyoglu. »
Le maire a précisé que l’auteur de ce « si magnifique projet » n’avait pas demandé d’autorisation : à la suite d’une plainte d’un voisin, les employés municipaux avaient donc décidé de repeindre en gris l’escalier. Au matin du 31 août, l’escalier a retrouvé ses couleurs.
Mais le maire est intervenu trop tard : la « Rainbow war » est déclarée. Question escaliers, il y a de quoi faire à Istanbul, « la ville aux sept collines ». Et on peut aussi peindre des murs, le sol ou des boules...
Mercredi encore, la police tentait de stopper des militants qui repeignaient un escalier dans le quartier d’Arnavutköy, sur la côte asiatique. Pourtant, selon la correspondante de Libération Selami Oztürk, le maire de Kadiköy a lancé un appel aux citoyens : « Les résidents de Kadiköy peuvent peindre les rues comme ils veulent. Liberté aux couleurs ! »
En prenant, munis de leurs pinceaux, l’urbanisme « autoritaire » comme cible de leurs protestations, les artistes-activistes restent en tout cas fidèles à l’ADN du mouvement de révolte réprimé en juin par le premier ministre Erdogan : il était né d’une réaction au projet de bétonnage du parc Gezi, aux abords de Taksim.
Par Pascal Riché, le 05/09/2013
Lire l'article et voir les vidéos correspondantes sur le site de Rue 89