17 Jan 2017
Langouët (Ille-et-Vilaine) a décidé en 2003 de se passer des énergies fossiles. La commune est en passe d’y parvenir, prouvant que la transition énergétique est possible, même à l’échelle d’une ville sans technicien ni moyens financiers mirobolants.
En entrant dans Langouët, commune à quelques minutes de route de Rennes, impossible de rater l’atelier municipal et son toit en pente orienté vers le sud. Une inclinaison optimale pour les panneaux solaires qui recouvrent la toiture. Le bâtiment n’est pas simplement le garage du tracteur municipal : c’est aussi une centrale de production photovoltaïque, comme la plupart des bâtiments appartenant à la commune. Tous sont équipés de panneaux solaires.
Aujourd’hui, la production photovoltaïque de la ville compense largement l’électricité consommée par les services communaux de ce bourg d’environ 600 habitants. « Cela comprend l’éclairage public, la mairie, l’école, le pôle enfance, la bibliothèque, l’église, la salle polyvalente et l’atelier municipal », détaille le maire de Langouët, Daniel Cueff. Aux commandes de sa commune depuis 1999, cet antinucléaire convaincu voulait « faire du concret ». Pari réussi : en 2014, les panneaux de la ville produisaient 116 % de l’électricité consommée.
La commune vend son électricité à EDF, qui a l’obligation de l’acheter. Langouët est ensuite approvisionnée en électricité à partir du réseau Enedis, comme n’importe quelle commune. La provenance de l’électricité consommée par Langouët n’est donc pas connue précisément, même si la majeure partie provient du bassin local. Sur un plan comptable, l’opération est profitable, puisque Langouët compense ses dépenses de consommation grâce à la vente de sa production.
« Ce n’est pas facile à décider, car le retour sur investissement n’est pas immédiat »
La conversion de la commune à l’énergie solaire date de 2003. « C’est sur le toit de l’école que nous avons installé les tout premiers panneaux solaires de Bretagne, se souvient l’édile, avec un brin de fierté dans la voix. À cette époque, on nous disait qu’il ne fallait pas installer de panneaux en Bretagne, car il n’y avait pas assez de soleil. C’était très difficile d’établir un cahier des charges pour les artisans, car personne ne savait comment faire. Sauf qu’en Allemagne, l’amplitude solaire est moins importante qu’en Bretagne : cela ne l’a pas empêchée de développer le secteur des panneaux photovoltaïques. » C’est donc grâce à deux architectes bretons rencontrés à Hanovre que l’aventure démarre.
Aujourd’hui, les quelques panneaux installés sur le toit de l’école sont devenus « de vraies antiquités “collector” », ainsi que les appelle affectueusement Daniel Cueff. Ils ont tout de même produit quasiment 40 % de l’électricité du bâtiment depuis sa construction. De nombreux panneaux similaires ont été installés sur toutes les façades orientées au sud des bâtiments communaux après cette première expérience. Dont le fameux atelier municipal, construit en 2011, conçu pour maximiser la production photovoltaïque. Un tournant : aujourd’hui, il produit la majorité de l’électricité de Langouët.
Cette conversion à l’énergie solaire n’est qu’une partie du projet de la commune, déjà connue pour sa cantine bio en service depuis 2003. Langouët a pour ambition de faire fonctionner ses services uniquement grâce à des énergies renouvelables. En 2007, la ville est passée au niveau supérieur en se débarrassant de sa chaudière au fioul et a investi dans une chaudière à bois. « Ce n’est pas facile à décider, car le retour sur investissement n’est pas immédiat. Si vous réfléchissez à court terme, vous vous dites qu’il ne faut pas construire une chaudière bois-énergie », admet Daniel Cueff.
La décision de Langouët a fait des émules
Pour le combustible, Langouët s’approvisionne auprès de la communauté de communes, qui achète aux agriculteurs locaux le bois issu de la taille des haies. La bibliothèque, située trop loin pour être raccordée à cette chaudière centrale, dispose de son propre poêle à bois, installé entre deux rayonnages de livres. Elle suffit à chauffer la grande pièce grâce à une isolation performante — le bâtiment date de 2014.
La décision de Langouët a fait des émules, selon Mickaël Laurent, chargé de développement de Bretagne rurale et urbaine pour un développement durable (Bruded), un réseau de collectivités bretonnes cofondé par Langouët. « Certains élus hésitaient à se mettre au bois-énergie. Le fait que cela fonctionne à Langouët a contribué à les décider », explique-t-il. Seule ombre au tableau : la chaudière a connu plusieurs problèmes en 2015, qui ont obligé la commune à remettre partiellement en service l’ancien chauffage central au fioul. De quoi plomber le bilan énergétique de la commune. Mais selon Fabien Pottier, qui suit la commune pour le compte de l’Agence locale de l’énergie et du climat (Alec), « une année où la chaudière fonctionne bien, comme ce fut le cas en 2012, on avoisine les 100 % d’énergie renouvelable ».
Les bâtiments de la ville sont également étudiés pour économiser chauffage et électricité. L’école en est un bon exemple : elle a été construite en 2003 selon la norme HQE (haute qualité environnementale), en bois pour mieux retenir la chaleur. Dans les salles de classe et celle de jeu, des puits de lumière rendent quasi-inutiles les néons du plafond. Un tissu spécial, qui laisse passer la lumière, permet d’éviter l’effet loupe de la verrière. Dans les toilettes, des lampes automatiques évitent la surconsommation. Pour le côté pédagogique, un compteur a été installé dans l’une des classes. Il permet aux enfants d’observer en temps réel la production des panneaux du toit.
« Quand des élus veulent, ils peuvent »
À terme, Daniel Cueff aimerait compenser l’énergie de toute la ville. « On y est arrivé pour tout ce qui concerne les services communaux, on doit parvenir à couvrir toute la commune. » La mairie remodèle donc progressivement les bâtis pour les faire correspondre à un idéal de basse consommation. « Aujourd’hui, on arrive à faire des logements qui consomment 250 euros d’énergie par an, électricité et bois compris. Pour nos tout derniers logements sociaux, ce chiffre devrait atteindre 150 euros par an », escompte le maire. Une démarche qui bénéficie aussi aux habitants de ces nouveaux logements, amenés à moins dépenser.
Dans le même temps, la production d’énergie renouvelable doit augmenter grâce à la construction d’habitats « écobénéficiants », dont l’impact sur l’environnement serait positif. Un programme ambitieux dont la conception vient tout juste de commencer. « Les architectes ont pour mission de réfléchir à comment produire de l’énergie renouvelable sur ces nouveaux bâtiments. Il pourra s’agir d’éolien, de photovoltaïque, d’énergie hydraulique », annonce Daniel Cueff.
Avant de se tourner vers le futur, Mickaël Laurent, de Bruded, tire les leçons du chemin déjà parcouru. Pour lui, Langouët est un exemple à suivre. « Bien sûr, la ville a l’avantage d’être petite — c’est plus rapide d’agir, il y a moins d’échelons de décision… Mais, en même temps, il n’y a pas de technicien, pas d’ingénieur et peu d’argent. Mais ce que prouve cette expérience, c’est que quand des élus veulent, ils peuvent. » Mais avant de pouvoir annoncer un bilan énergétique 100 % renouvelable, il reste une petite étape à franchir : remplacer le tracteur municipal, seul bien de la commune à encore consommer des énergies fossiles.
Par Martin Cadoret
Lire sur Reporterre (14/01/17)
En entrant dans Langouët, commune à quelques minutes de route de Rennes, impossible de rater l’atelier municipal et son toit en pente orienté vers le sud. Une inclinaison optimale pour les panneaux solaires qui recouvrent la toiture. Le bâtiment n’est pas simplement le garage du tracteur municipal : c’est aussi une centrale de production photovoltaïque, comme la plupart des bâtiments appartenant à la commune. Tous sont équipés de panneaux solaires.
Aujourd’hui, la production photovoltaïque de la ville compense largement l’électricité consommée par les services communaux de ce bourg d’environ 600 habitants. « Cela comprend l’éclairage public, la mairie, l’école, le pôle enfance, la bibliothèque, l’église, la salle polyvalente et l’atelier municipal », détaille le maire de Langouët, Daniel Cueff. Aux commandes de sa commune depuis 1999, cet antinucléaire convaincu voulait « faire du concret ». Pari réussi : en 2014, les panneaux de la ville produisaient 116 % de l’électricité consommée.
La commune vend son électricité à EDF, qui a l’obligation de l’acheter. Langouët est ensuite approvisionnée en électricité à partir du réseau Enedis, comme n’importe quelle commune. La provenance de l’électricité consommée par Langouët n’est donc pas connue précisément, même si la majeure partie provient du bassin local. Sur un plan comptable, l’opération est profitable, puisque Langouët compense ses dépenses de consommation grâce à la vente de sa production.
« Ce n’est pas facile à décider, car le retour sur investissement n’est pas immédiat »
La conversion de la commune à l’énergie solaire date de 2003. « C’est sur le toit de l’école que nous avons installé les tout premiers panneaux solaires de Bretagne, se souvient l’édile, avec un brin de fierté dans la voix. À cette époque, on nous disait qu’il ne fallait pas installer de panneaux en Bretagne, car il n’y avait pas assez de soleil. C’était très difficile d’établir un cahier des charges pour les artisans, car personne ne savait comment faire. Sauf qu’en Allemagne, l’amplitude solaire est moins importante qu’en Bretagne : cela ne l’a pas empêchée de développer le secteur des panneaux photovoltaïques. » C’est donc grâce à deux architectes bretons rencontrés à Hanovre que l’aventure démarre.
Aujourd’hui, les quelques panneaux installés sur le toit de l’école sont devenus « de vraies antiquités “collector” », ainsi que les appelle affectueusement Daniel Cueff. Ils ont tout de même produit quasiment 40 % de l’électricité du bâtiment depuis sa construction. De nombreux panneaux similaires ont été installés sur toutes les façades orientées au sud des bâtiments communaux après cette première expérience. Dont le fameux atelier municipal, construit en 2011, conçu pour maximiser la production photovoltaïque. Un tournant : aujourd’hui, il produit la majorité de l’électricité de Langouët.
Cette conversion à l’énergie solaire n’est qu’une partie du projet de la commune, déjà connue pour sa cantine bio en service depuis 2003. Langouët a pour ambition de faire fonctionner ses services uniquement grâce à des énergies renouvelables. En 2007, la ville est passée au niveau supérieur en se débarrassant de sa chaudière au fioul et a investi dans une chaudière à bois. « Ce n’est pas facile à décider, car le retour sur investissement n’est pas immédiat. Si vous réfléchissez à court terme, vous vous dites qu’il ne faut pas construire une chaudière bois-énergie », admet Daniel Cueff.
La décision de Langouët a fait des émules
Pour le combustible, Langouët s’approvisionne auprès de la communauté de communes, qui achète aux agriculteurs locaux le bois issu de la taille des haies. La bibliothèque, située trop loin pour être raccordée à cette chaudière centrale, dispose de son propre poêle à bois, installé entre deux rayonnages de livres. Elle suffit à chauffer la grande pièce grâce à une isolation performante — le bâtiment date de 2014.
La décision de Langouët a fait des émules, selon Mickaël Laurent, chargé de développement de Bretagne rurale et urbaine pour un développement durable (Bruded), un réseau de collectivités bretonnes cofondé par Langouët. « Certains élus hésitaient à se mettre au bois-énergie. Le fait que cela fonctionne à Langouët a contribué à les décider », explique-t-il. Seule ombre au tableau : la chaudière a connu plusieurs problèmes en 2015, qui ont obligé la commune à remettre partiellement en service l’ancien chauffage central au fioul. De quoi plomber le bilan énergétique de la commune. Mais selon Fabien Pottier, qui suit la commune pour le compte de l’Agence locale de l’énergie et du climat (Alec), « une année où la chaudière fonctionne bien, comme ce fut le cas en 2012, on avoisine les 100 % d’énergie renouvelable ».
Les bâtiments de la ville sont également étudiés pour économiser chauffage et électricité. L’école en est un bon exemple : elle a été construite en 2003 selon la norme HQE (haute qualité environnementale), en bois pour mieux retenir la chaleur. Dans les salles de classe et celle de jeu, des puits de lumière rendent quasi-inutiles les néons du plafond. Un tissu spécial, qui laisse passer la lumière, permet d’éviter l’effet loupe de la verrière. Dans les toilettes, des lampes automatiques évitent la surconsommation. Pour le côté pédagogique, un compteur a été installé dans l’une des classes. Il permet aux enfants d’observer en temps réel la production des panneaux du toit.
« Quand des élus veulent, ils peuvent »
À terme, Daniel Cueff aimerait compenser l’énergie de toute la ville. « On y est arrivé pour tout ce qui concerne les services communaux, on doit parvenir à couvrir toute la commune. » La mairie remodèle donc progressivement les bâtis pour les faire correspondre à un idéal de basse consommation. « Aujourd’hui, on arrive à faire des logements qui consomment 250 euros d’énergie par an, électricité et bois compris. Pour nos tout derniers logements sociaux, ce chiffre devrait atteindre 150 euros par an », escompte le maire. Une démarche qui bénéficie aussi aux habitants de ces nouveaux logements, amenés à moins dépenser.
Dans le même temps, la production d’énergie renouvelable doit augmenter grâce à la construction d’habitats « écobénéficiants », dont l’impact sur l’environnement serait positif. Un programme ambitieux dont la conception vient tout juste de commencer. « Les architectes ont pour mission de réfléchir à comment produire de l’énergie renouvelable sur ces nouveaux bâtiments. Il pourra s’agir d’éolien, de photovoltaïque, d’énergie hydraulique », annonce Daniel Cueff.
Avant de se tourner vers le futur, Mickaël Laurent, de Bruded, tire les leçons du chemin déjà parcouru. Pour lui, Langouët est un exemple à suivre. « Bien sûr, la ville a l’avantage d’être petite — c’est plus rapide d’agir, il y a moins d’échelons de décision… Mais, en même temps, il n’y a pas de technicien, pas d’ingénieur et peu d’argent. Mais ce que prouve cette expérience, c’est que quand des élus veulent, ils peuvent. » Mais avant de pouvoir annoncer un bilan énergétique 100 % renouvelable, il reste une petite étape à franchir : remplacer le tracteur municipal, seul bien de la commune à encore consommer des énergies fossiles.
Par Martin Cadoret
Lire sur Reporterre (14/01/17)