Nouveau revers pour les Pro-Acta

Pression intense, flots d’adrénaline, tentatives jusqu’à la dernière seconde de manœuvres procédurières, les ingrédients d’un bon thriller institutionnel étaient réunis jeudi matin en commission du Commerce international (Inta) du Parlement européen. Au menu, le vote sur le rapport du député britannique David Martin (Social-démocrate) prônant le rejet de l’accord Acta sur la contrefaçon.
Ces derniers jours, des rumeurs faisaient état d’une tentative du Parti populaire européen (PPE), résolument favorable à l’Acta, de demander un vote secret. Face à sept caméras de télévision, le suspense est resté total jusqu’à le dernière seconde. En cause, l’un des trois amendements déposés, demandant le report du vote jusqu’à ce que la Cour de justice européenne rende son avis sur la compatibilité de l’Acta avec les traités européens. Un amendement qui aurait pu séduire des députés indécis, en laissant le jeu ouvert sine die. Car pour les Pro-Acta, gagner du temps semblait bien l’ultime recours disponible dans leur jeu, après que plusieurs autres commissions se soient prononcées en défaveur du traité. Inta étant la commission principale, celle dont l’avis doit être communiqué au Parlement, ce dernier vote était, plus que les précédents, crucial.

On a dû voter deux fois

Un dernier rebondissement s’est produit lors du vote sur cet amendement, alors que la tension était à son comble: il y avait plus de votes émis que de membres de la commission Inta présents… Le vote a donc dû recommencer, se soldant par la victoire des opposants au traité, par 19 voix contre 12. Une décision qui ouvre la porte à un ultime vote pour ou contre l’Acta en session plénière du Parlement européen, vraisemblablement le 4 juillet prochain.
Négocié secrètement par quelques pays, dont les Etats-Unis et les États membres de la Communauté européenne, l’Acta est destiné à lutter contre la contrefaçon. Mais les termes parfois trop vagues du traité, laissent craindre que ne soient menacés les droits fondamentaux des internautes et notamment leur liberté d’expression.
S’il est repoussé en juillet par le Parlement, l’Acta marquera indubitablement un tournant dans le jeu politique européen, souvent limité à un dialogue à deux entre politiques et lobbyistes professionnels. La prise de conscience populaire des risques liés au traité Acta est cette fois venue de la rue, où des manifestations ont parfois réuni des milliers de personnes opposées au traité, et du travail de fourmis réalisés par de nombreux bénévoles au sein d’organisations de défense des citoyens en ligne, comme la Nurpa ou la Quadrature du Net. Qui refusent d’ailleurs de s’avouer victorieux tant que le vote final de juillet n’aura pas rejeté l’Acta.

“Acta prend la direction de la corbeille

«Malgré le vote d’aujourd’hui, rien n’est gagné tant les pressions sur le parlement européen des grands groupes et du commissaire Karel de Gucht, en charge du commerce, sont fortes», a commenté le député écologiste Yannick Jadot, l’un des opposants au traité.
«Le dossier ACTA prend la bonne direction,c’est-à-direcelui de la corbeille», a renchéri le socialiste belge Marc Tarabella. Dans un communiqué, celui-ci dénonce «la fourberie de certains députés et leur manque de respect envers les citoyens qui les ont élus».

«En effet, des députés de la droite conservatrice, après avoir demandé en vain de faire sortir journalistes et caméras de la séance censée être publique, ont finalement, après l’avoir évoqué, renoncé à demander le vote secret», accuse-t-il.

ALAIN JENNOTTE

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