Une nouvelle résolution de l’ONU soutient les droits des agriculteurs sur leurs semences
 
La résolution votée le 28 septembre par le Comité directeur du "Traité sur les semences" des Nations Unies contraste avec les lois nationales et les droits de propriété intellectuelle qui, jusque-là, criminalisaient les semences paysannes. Le 16 octobre, la Via Campesina, mouvement paysan international, a appelé à une mobilisation pour la souveraineté alimentaire et la production agro-écologique, mises à mal par l’industrie.
 
 
Qu’est ce que le Traité des semences ? 
 
Le « Traité international des Nations unies sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture », appelé couramment "Traité sur les semences", a été ratifié en 2001 pour faciliter l’accès de tous à la diversité des semences. L’espoir suscité lors de son adoption laisse place à un constat d’échec.
 
En réalité, par ce traité, l’industrie semencière peut puiser librement et gratuitement dans l’immense trésor des semences accumulées par des siècles de sélections paysannes et enfermer ensuite cette richesse dans ses propres collections privées.  Dans le même temps, les collections publiques accessibles à tous disparaissent les unes après les autres et les droits fondamentaux des paysans et des paysannes d’accéder, d’utiliser, d’échanger et de vendre leurs propres semences sont criminalisés.
 
Sous la pression des Accords de Libre Échange, les lois semencières ne reconnaissent que les titres de propriété, brevets et certificats d’obtentions végétales que l’industrie a déposés pour s’emparer des plantes cultivées. Les paysans et paysannes n’ont désormais accès qu’aux semences de l’industrie qu’ils doivent racheter chaque année. Ces semences nécessitent pour leur culture un arsenal d’engrais chimiques et pesticides qui affectent leur santé et celle des consommateurs.
 
Les paysans doivent donc se battre pour maintenir leurs droits d’accès aux semences traditionnelles : Colombiens, Chiliens, Thaïlandais, Africains de l’Est, Européens... l’expérimentent en ce moment à leurs dépens.
 
4000 tonnes de semences locales détruites en Colombie
 
En Colombie, le décret 970 promulgué en 2010 interdit aux agriculteurs de conserver leurs propres semences. Selon l’organisation GRAIN, en 3 ans les autorités ont fait détruire près de 4000 tonnes de semences locales. Mais la mobilisation des paysans a récemment contraint le gouvernement à abroger la résolution 970 pendant 2 ans.
 
La résolution du 28 septembre appelle les Etats à soutenir les droits des agriculteurs
 
Le 28 septembre 2013, le Comité Directeur du Traité sur les semences a adopté un texte qui appelle les Etats à appliquer et soutenir les droits des agriculteurs de conserver, utiliser, échanger et vendre leurs semences, de protéger leurs savoirs, de bénéficier du partage des avantages et participer aux décisions nationales.
 
Cette résolution a été adoptée grâce à la mobilisation unanime des groupes de pays d’Amérique latine et Caraïbes, d’Afrique et du Proche-Orient, de nombreux pays asiatiques et européens, malgré l’opposition d’une poignée de pays industriels.
 
Après avoir rappelé l’énorme contribution des agriculteurs à la conservation et au développement des semences, le Comité directeur accueille aussi favorablement la participation des organisations paysannes et de la société civile à ses travaux. En reconnaissant que les brevets et certificats d’obtention végétale peuvent « interagir » avec les droits des agriculteurs, le Comité directeur avoue à mots cachés qu’il s’y oppose dans de nombreux pays.
 
Par ailleurs, le Traité offre à l’industrie le cadre juridique lui permettant d’accéder gratuitement à toutes les semences sélectionnées par des générations de paysans mais ne se donne aucun moyen financier pour remplir ses autres tâches, notamment en matière de droits des agriculteurs dont l’application est de la responsabilité des Etats.
 
La Via Campesina veillera à ce que cette nouvelle résolution sur les droits des agriculteurs et agricultrices ne reste pas sans lendemain.
 
Et en France ?
 
La Confédération paysanne estime que cette résolution est en contraste flagrant avec les lois françaises qui interdisent ou taxent les semences de ferme,  criminalisent les échanges de semences entre agriculteurs et refusent toute commercialisation de semences paysannes qui ne correspondent pas aux standards des semences industrielles.
 
"La France aurait-elle deux positions : un affichage éthique dans les enceintes de l’ONU et un soutien sans faille à l’industrie des semences contre les semences de ferme et paysannes sur son territoire national ?" Lisez le communiqué de la Confédération paysanne (membre fondateur de la Coordination européenne La Via Campesina).
 
16 octobre 2013 : journée mondiale pour la souveraineté alimentaire
 
Lisez l’appel de la Via Campesina pour le droit des peuples à la terre, aux semences, à la production et consommation d’aliments sains, tout en pratiquant la souveraineté alimentaire.
 
Plus d’information
 
La Via Campesina, mouvement paysan international
 
Une terre vivante : Claude Aubert raconte l’histoire d’une "merveilleuse et funeste invention" qui a bouleversé le processus naturel de nourriture des plantes et permis les révolutions agricoles du XXè siècle.
 
Puiblié le 14 octobre sur le site de la Fondation Denis Guichard