Le Dr Lamarre aide et soigne à Roubaix sans distinction de revenu ni d’origine
Le Dr Lamarre aide et soigne à Roubaix sans distinction de revenu ni d’origine. Il a été suspendu deux mois.

«Je donnerai mes soins à l’indigent et à quiconque me le demandera.» Le serment d’Hippocrate, tel que prononcé en France, semble bien oublié par l’ordre des médecins. Ce dernier vient en effet d’interdire à Christophe Lamarre de pratiquer. Raison officielle : « suractivité»… Le docteur Lamarre, quarante-huit ans, officie à Roubaix. Dans la ville la plus pauvre de France, il a mis un point d’orgue à soigner tous ses patients. «Je viens de Creil, ville ouvrière et immigrée, où ma mère communiste vendait l’Humanité, raconte-t-il. À mes débuts, j’ai connu des jolis coins, avec des patients riches, qui “consommaient” la médecine. Insupportable. Je voulais être médecin de famille, être utile dans un lieu comme Creil.»

0,4 médecin pour 1 000 habitants

Le quartier de l’Hommelet, à Roubaix, où il s’installe en 1994, compte 0,4 médecin pour 1 000 habitants – 4 fois moins qu’au niveau national. Ici, les habitants ne consultent que 2 fois par an, contre 6,7 en moyenne en France. Forcément, la salle d’attente de son cabinet est toujours pleine. Et la misère défile. «Des mères isolées, prêtes à tout pour subsister, des gamins brillants qui se retrouvent dans une école pourrie, avec une vie pourrie… Des familles de travailleurs pauvres, comme ça n’existait pas il y a encore trente ans.»

D’année en année, le rythme est de plus en plus soutenu. Il en vient à pratiquer 75 consultations par jour, à finir le travail à 4 heures du matin. «Plus je voyais de monde, plus je rallongeais mes journées, tout ça sans trouver d’associé. Je n’ai pas vu grandir mes mômes et commençais à y laisser ma santé. Mais jamais au détriment de celle de mes patients.»

Aucune fraude constatée

En 2009, il déménage son cabinet et s’installe en centre-ville, avec son ami le Dr Andrzejewski, en prenant soin d’y inviter ses anciens patients. Peu après, la Cpam ouvre une enquête sur ses activités à l’Hommelet. Le verdict vient de tomber : une suspension de quatre mois, dont deux avec sursis. Christophe Lamarre est interdit de pratiquer jusqu’au 1er mai, officiellement pour «suractivité» et «amplitude horaire excessive». L’intéressé bout : «Une telle décision, sans qu’aucune fraude à l’acte n’ait été constatée, c’est du jamais-vu »

L’ordre a voulu répliquer, mardi, en affirmant que «le jugement portait sur les prescriptions dangereuses du Dr Lamarre» de dérivés de morphine. «L’Hommelet, on l’appelle aussi Toxland, précise l’intéressé. Et les toxicos, neuf médecins sur dix refusent de les prendre. Je ne suis pas addictologue, donc j’ai fait ce que la Sécu me suggérait de faire à l’époque : prescrire du Subutex.» Christophe Lamarre s’était distingué, cet automne, en logeant dans son ancien cabinet 67 Roms expulsés d’un camp. Ils y sont toujours. Pour lui, «si on m’attaque, c’est parce qu’aider les pauvres, ça ne plaît pas à tout le monde».

Par Benoît Delrue (6/03/2014)

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