L’ONU donne raison à 16 enfants face à l’inaction climatique des Etats
En septembre 2019, 16 jeunes, dont la suédoise Greta Thunberg, intentent une action juridique contre cinq pays devant le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies. La France, l’Allemagne, l’Argentine, le Brésil et la Turquie sont accusés d’atteinte à la convention de l’ONU sur les droits de l’enfant du fait de leur inaction contre le réchauffement climatique. Cet octobre 2021, le Comité reconnaît le lien de causalité entre l’inaction des états et le préjudice réalisé à l’encontre des droits de l’enfant.

La Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) a été adoptée par les Nations Unies le 20 novembre 1989 et est aujourd’hui ratifiée par la plupart des pays du monde : 196 États, excepté les Etats-Unis.

Les plaignants âgés de 8 à 17 ans et originaires de douze pays ont déposé cette plainte dans le cadre d’un protocole ratifié par 44 pays qui autorise depuis 2014 les enfants à porter plainte s’ils estiment que leurs droits sont bafoués.

La requête a été déposée contre des pays ayant ratifié les deux outils juridiques des Nations Unies et qui peuvent donc être accusés, contrairement à certains des pays les plus pollueurs comme les Etats-Unis, la Chine et l’Inde.

Dans la plainte d’origine, les requérants font valoir que leurs droits à la vie, à la santé et à la culture sont menacés par l’inaction des grands émetteurs de CO2.

Les 16 jeunes rappellent d’abord que le réchauffement climatique n’est pas un concept abstrait, que l’augmentation de 1,1° dans nos températures globales depuis l’époque préindustrielle a déjà causé des vagues de chaleur dévastatrices, favorisant ainsi la propagation de maladies infectieuses, de feux de forêts, de différences climatiques extrêmes, d’inondations et de montée des océans.

Ils ajoutent que l’échec des pays à prendre les mesures nécessaires pour respecter, protéger et honorer leurs droits impactera encore davantage les enfants, plus vulnérables sur un plan physiologique et mental face aux dangers mortels du réchauffement climatique.

Cette affirmation est d’autant plus vraie qu’elle se corrèle avec l’accentuation progressive des phénomènes du changement climatique : les enfants nés aujourd’hui souffriront de vagues de chaleurs plus extrêmes que leurs prédécesseurs.

Une étude du journal Science publiée en octobre 2021 a par ailleurs été menée pour expliciter les chiffres de cette injustice intergénérationnelle. Selon cette recherche, même si les limites d’émissions de carbone sont respectées, une personne née en 2020 devra endurer environ 30 vagues de chaleur durant sa vie, soit 7 fois plus que quelqu’un né en 1960.

Les enfants d’aujourd’hui verront également 2 fois plus de sècheresses et de feux de forêts durant leur vie que ceux qui sont nés en 1960.

Il y a par ailleurs des différences significatives dans les régions qui seront touchées. Les 53 millions d’enfants nés en Europe entre 2016 et 2020 subiront 4 fois plus d’événements extrêmes dans leur vie, contre 5,7 fois pour les 172 millions d’enfants nés en Afrique subsaharienne. Ces chiffres soulignent le fardeau disproportionné auquel devront faire face les enfants nés dans les pays du Sud.

Les jeunes acteurs de la grève étudiante pour le climat, ou Fridays for Future, lancée pour la première fois par Greta Thunberg en août 2018, signalent de façon récurrente que les individus qui ont le moins participé à la création de l’urgence climatique sont ceux qui en souffrent le plus.

Dohyeon Kim, une activiste de 17 ans de Corée du Sud, rappelle pour le journal The Guardian les obligations des pays du Nord à l’égard des difficultés climatiques auxquelles les pays du Sud font et devront faire face, dont une grande partie sont du fait de leurs agissements :

    « Les pays du Nord doivent faire pression sur les gouvernements afin qu’ils mettent la justice et l’équité au coeur des actions pour le climat, à la fois en terme d’assistance mais également en mettant en place des engagements qui prennent en compte les responsabilités historiques de chacun. »

Ce lundi 11 octobre, dans un jugement qu’il qualifie lui-même d’ « historique », le Comité des droits de l’enfant a ainsi reconnu que ses États membres pouvaient être tenus responsables de l’impact de leurs émissions de CO2 sur les enfants nés à l’intérieur et en dehors de leurs frontières.

Le Comité, constitué de 18 experts indépendants, veille au respect de l’application de la CIDE. Il peut faire des recommandations aux Etats visés pour mettre fin aux violations présumées de la convention.

    L’une de ses membres, Ann Skelton, a commenté : « La nature collective des causes du changement climatique ne peut pas absoudre un État de ses responsabilités individuelles. »

Pour l’instant, la décision ne sera pas suivie de recommandations, le Comité n’ayant pas pu juger si les pays avaient violé la CIDE. Les requérants doivent d’abord saisir la justice de leurs pays et épuiser les recours juridiques qui y sont disponibles avant qu’une nouvelle condamnation des Etats puisse être prononcée par le Comité.

Selon l’étude de Science sur le préjudice intergénérationnel, réduire drastiquement et rapidement nos émissions de CO2 afin de ne pas dépasser les 1,5° de réchauffement planétaire peut diviser quasiment par deux les vagues de chaleurs auxquelles les enfants d’aujourd’hui devront faire face, tandis que le conserver en dessous de 2° réduirait ce même chiffre d’un quart. La tâche de la COP 26 de ce mois de novembre à Glasgow est donc absolument vitale dans l’établissement d’engagement de réductions de CO2 de plus grande ampleur des pays les plus pollueurs.

Par Maïté Debove (publié le 15/10/2021)
A lire sur le site La Relève et La Peste