« Le plus grand changement ferroviaire depuis vingt-cinq ans » : au Royaume-Uni, l’Etat reprend le contrôle des trains
Progressivement, sans vraiment le dire, Boris Johnson détricote maille à maille la révolution thatchérienne. Après avoir fortement augmenté les dépenses de l’Etat, pandémie de Covid-19 oblige, le premier ministre britannique met en place une profonde réorganisation du système ferroviaire, écornant très largement la privatisation lancée en 1994. Jeudi 20 mai, le gouvernement britannique a annoncé la création d’une entreprise publique qui va désormais chapeauter le fonctionnement des trains du Royaume-Uni. « C’est le plus grand changement ferroviaire depuis vingt-cinq ans », annoncent Grant Shapps, le ministre des transports, et Keith Williams, l’auteur du Livre blanc qui présente la réforme.
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Les deux hommes font très attention à ne pas parler de nationalisation. Great British Railways, la nouvelle entreprise, ne fera pas rouler les trains elle-même, mais signera des contrats de sous-traitance avec des entreprises privées qui fourniront le service. Le changement est pourtant fondamental : « Les entreprises privées ne prendront plus de risques sur leurs revenus », note Michael Holden, un consultant ferroviaire indépendant et ancien président d’une compagnie privée de trains. Leur travail sera de faire fonctionner les trains à l’heure, pas de les remplir. Great British Railways déterminera les horaires, les prix et les liaisons à assurer.

Depuis son lancement, la privatisation du système ferroviaire a déjà été fortement réduite. Dès 2002, les voies ferrées sont repassées sous le contrôle de l’Etat. Deux graves accidents provoqués par un manque de maintenance avaient convaincu de la nécessité de mettre fin à l’expérience dans ce domaine. Pour faire rouler les trains, les entreprises privées étaient jusqu’à présent en concurrence pour obtenir des « franchises », c’est-à-dire des monopoles régionaux leur donnant d’assez larges pouvoirs sur les horaires et les prix (même si ces derniers demeuraient régulés).

« Problèmes trop évidents »

Pour les usagers, cela ne donne pas une impression de concurrence : à quelques exceptions près, la plupart des destinations ne sont servies que par une seule entreprise. En revanche, la complexité est de mise. Suivant les lignes, il faut utiliser différentes entreprises pour acheter les billets de train. Les prix sont particulièrement obscurs et fluctuants, avec des réductions souvent incompréhensibles. « Le système ferroviaire actuel est composé d’un labyrinthe d’accords entre des centaines de partenaires, signés et supervisés par des bataillons d’avocats et de consultants », dénonce le Livre blanc.

Par Eric Albert (publié le 21/05/2021)
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