De plus en plus de pays se lancent dans le transport public gratuit
Luxembourg, Allemagne, Autriche, Espagne, Malte : pour répondre à la crise climatique ou compenser la hausse historique des prix de l’énergie, de plus en plus d’États européens expérimentent la gratuité totale ou partielle de leurs transports publics. Petit tour d’horizon de ces mesures qui anticipent la mobilité de demain.

Modèle en la matière, le Luxembourg est le premier pays au monde à avoir fait basculer ses infrastructures dans la gratuité intégrale. Le 1er mars 2020, tous les transports publics du Grand-Duché – trains, bus interurbains et trams – sont en effet devenus gratuits pour tous les usagers, y compris les frontaliers et les touristes, sur l’ensemble du territoire national et de manière illimitée.

Seuls les voyages internationaux à partir de la frontière et les billets de première classe échappent à cette mesure pionnière censée « faire du Luxembourg un laboratoire de la mobilité du XXIe siècle », selon François Bausch, le ministre des Transports de ce petit pays de 645 000 habitants.

Estimé à 41 millions d’euros par an, le coût de la gratuité des transports collectifs sur le budget de l’État est amorti par l’impôt et la taxe carbone sur les voitures. En plus de limiter le recours au véhicule individuel, l’innovation luxembourgeoise revêt donc un fort caractère de justice sociale, dans la mesure où les plus aisés financent la transformation du service public.

Il est cependant trop tôt pour apprécier les effets de cette politique de long terme, notamment parce que les chiffres des années 2020 et 2021 ont été biaisés par la pandémie de Covid-19, les confinements et l’extension du télétravail.

Le succès du « 9-euro-ticket »

À plus grande échelle, l’Allemagne a fait l’expérience prometteuse, cet été, d’un passe illimité à 9 euros par mois permettant à tous les usagers, sans distinction, de voyager à bord de la quasi-totalité des transports en commun du pays – trains régionaux, ferries, bus, trams et métros –, à l’exception des lignes grandes distances et des Intercités.

Limitée à trois mois (du 1er juin au 31 août), cette opération inédite a été un véritable succès : dès le premier mois, 21 millions de tickets ont été vendus, et la fréquentation des trains sur des trajets de 30 à 300 kilomètres a augmenté de 42 % par rapport à juin 2019.

Selon de premiers sondages, la moitié des Allemands ayant acheté le « 9-euro-ticket » ces trois derniers mois profitaient par ailleurs de cette occasion pour réduire leur usage de la voiture et économiser du carburant, autant de bénéfices écologiques non négligeables.

Malheureusement, si l’on en croit les déclarations de Christian Lindner, ministre des Finances, le gouvernement allemand ne souhaite pas prolonger cette expérience dont le coût s’élèverait à un milliard d’euros par mois. D’autres formules seraient envisagées, comme le billet annuel à 365 euros (soit un euro par jour), ou le passe mensuel à 69 euros.

Autriche, Espagne, Malte, France

En Autriche, un billet à 1 095 euros par an – soit 91 euros par mois et 3 euros par jour – a justement été lancé en novembre 2021 : c’est le fameux « KlimaTicket » ou « ticket Climat ». Plus viable financièrement que son homologue allemand, ce sésame donne à son détenteur un accès illimité à l’ensemble des transports en commun autrichiens, privés comme publics, avec des réductions pour les jeunes et les séniors.

D’autres pays d’Europe adoptent des mesures plus ou moins ambitieuses pour favoriser la mobilité douce et collective. C’est le cas de l’archipel de Malte, qui devrait rendre son réseau de bus gratuits pour ses citoyens d’ici octobre prochain, et de l’Espagne, dont le gouvernement socialiste prévoit de financer, jusqu’à la fin de l’année, la gratuité de certaines lignes de transport régionales et de banlieue grâce à un impôt exceptionnel sur les sociétés ayant profité de l’inflation.

En France, l’idée de rendre les transports publics gratuits à l’échelle nationale, de façon partielle ou intégrale, est catégoriquement refusée par le gouvernement. En revanche, les villes se montrent innovantes dans ce domaine qui relève en partie de leurs compétences.

Les communes de Dunkerque (depuis 2018), Calais et Douai, dans le Nord, ont par exemple franchi le cap de la gratuité intégrale de leurs réseaux. D’autres agglomérations telles que Nancy, Montpellier ou Nantes préfèrent s’en tenir pour l’instant à des mesures « à la carte », en proposant des transports gratuits le week-end ou un jour par semaine.

Par Augustin Langlade (publié le 16/08/2022)
A lire sur le site La Relève et La Peste