« Une victoire » contre l’A69 : les militants mettent fin à leur grève de la soif
Après 24 heures de grève de la soif, les trois militants opposés à l’A69 ont décidé le 10 octobre de mettre fin à celle-ci, ainsi qu’à leur grève de la faim, en raison de la suspension temporaire des travaux.

Une couverture de survie en guise d’ombrelle, Reva s’adresse aux dizaines de micros tendus. Si la presse a tardé à pointer le bout de son nez ces derniers jours, elle est présente au délibéré final. « Il est temps pour nous de mettre fin à notre grève de la soif », se réjouit le militant, la voix enrouée. Sous les applaudissements triomphants, Çelik et lui attrapent une gourde d’eau fraîche, puis engloutissent une gorgée. La première depuis plus de vingt-quatre heures.

Un peu plus tôt, en cette journée du 10 octobre, les préfectures du Tarn et de la région Occitanie ont déclaré suspendre les « opérations de défrichement importantes » devant être menées sur le tracé de la future autoroute A69, entre Toulouse et Castres, projet au centre de leur contestation. Et ce jusqu’au 13 octobre, date à laquelle une rencontre sera organisée à la demande du ministère des Transports.

Celle-ci devrait réunir le ministre Clément Beaune, la présidente Carole Delga, les maires et les élus du territoire concernés par le projet routier, ainsi que le collectif La Voie est libre (LVEL) et le Groupe national de surveillance des arbres (GNSA). Les opposants à l’A69 ont toutefois réclamé l’intégration de tous les élus de Haute-Garonne et du Tarn, que leur commune soit sur le tracé ou non, ainsi que des associations comme France Nature Environnement (FNE) et le syndicat la Confédération paysanne. Des scientifiques pourraient également être invités à participer, à l’image de Valérie-Masson Delmotte, citée par Thomas Brail.

« À l’issue de cette concertation, un vote aura lieu pour définir le sort du chantier, poursuit l’homme, affaibli par 31 jours de grève de la faim, qui est désormais elle aussi terminée. Si une majorité s’exprime contre l’autoroute, le projet tombera définitivement à l’eau. »

Cette ouverture au dialogue tant espéré a ainsi poussé les trois activistes à arrêter leur grève de la soif entamée le 9 octobre, à 14 heures. « Je suis heureux de voir que le peuple peut encore faire changer les choses, s’il se saisit de ses droits et devoirs », a déclaré Reva, déterminé à entamer une nouvelle grève si les gouvernants venaient à ne pas écouter la voix des collectifs d’opposition.

Cette nuit, aux alentours de 4 heures, Thomas Brail avait perdu connaissance et avait été transporté d’urgence à l’hôpital. Les yeux mi-clos et le corps soutenu par deux personnes, le Tarnais de 49 ans est réapparu sur la passerelle Léopold-Sédar-Senghor, à Paris, où les autres militants sont installés. « C’est une victoire pour tout le monde. Pour l’État, même s’il ne le sait pas. Pour la planète, pour nos enfants », a-t-il murmuré, épuisé. Si son état avait finalement été stabilisé, le grimpeur refusait jusqu’ici toute hydratation de la part des médecins.

« Une grande vigilance »

Un temps, les forces de sécurité ont décidé de bloquer les deux accès au pont, empêchant les soutiens de rejoindre la cohorte. Alors que les échanges commençaient à s’envenimer, la députée écologiste Sandrine Rousseau a tenté d’intervenir comme médiatrice. Quelques instants plus tôt, c’est Reva en personne, le pas chancelant, qui avait arraché l’une des banderoles de sécurité, en déclarant aux militants coincés : « Personne ne vous empêchera de passer ! » Une trentaine de personnes s’étaient alors engouffrées sur la passerelle… semant le désordre dans les rangs des policiers.

Tout au long de l’après-midi, ornés de leur écharpe tricolore, de nombreux élus de gauche ont aussi défilé au chevet des désormais ex-grévistes. L’Insoumise Clémence Guetté a dénoncé un « projet inutile, nécessitant de couper des arbres centenaires pour faire gagner seulement quinze minutes aux automobilistes » ayant les moyens de payer le péage.

Soulagée pour la vie des grévistes, l’eurodéputée écologiste Marie Toussaint a toutefois confié garder « une grande vigilance eu égard à ce qu’il se passera les prochains jours » : « La proposition de Clément Beaune est somme toute légère. Elle signe le retour à une certaine volonté démocratique, mais ne dit pas tout. »

En attendant le 13 octobre, Thomas Brail, Reva et Çelik peuvent souffler un temps. « Je n’aurais pas tenu une nuit de plus, et eux non plus, certifie leur médecin. La bataille est loin d’être terminée, mais c’est une belle victoire ! »

Par Emmanuel Clévenot (publié le 10/10/2023)
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