Bayer-Monsanto enchaîne les revers en justice
Aux États-Unis, Monsanto a été condamnée à verser 857 millions de dollars à sept personnes ayant développé des problèmes de santé après leur exposition à des polluants éternels. Une nouvelle défaite pour le groupe Bayer.

Leur présence dans une école leur aura causé des troubles neurologiques, endocriniens et des maladies auto-immunes. Cinq anciens élèves et deux parents ont obtenu gain de cause le 18 décembre contre l’entreprise Monsanto.

Comme source de leurs problèmes de santé, les victimes ont mis en avant la présence de polychlorobiphényle (PCB), des polluants éternels, dans les lampes d’un établissement scolaire, à Monroe dans l’État du Washington, dans le nord-ouest des États-Unis. Le tribunal supérieur de Seattle a condamné l’entreprise pharmaceutique et agro-industrielle à payer 857 millions de dollars (environ 782 millions d’euros) de dommages et intérêts.

La justice reproche à Monsanto, entreprise fabricante de la substance, de ne pas avoir averti de la toxicité du PCB, comme expliqué dans son verdict. La substance chimique était utilisée notamment dans les installations électriques pour leur propriété de résistance à la chaleur. Mais sa composition chimique présente de graves risques pour la santé. Ainsi, les PCB sont interdits aux États-Unis depuis 1979. L’école a été prévenue de la toxicité des produits dès les années 1990, s’est défendue l’entreprise. Elle a estimé cette décision « constitutionnellement excessive » en raison des dédommagements et a annoncé faire appel.

Des procès en cascade

Depuis son rachat en 2018 par l’entreprise allemande Bayer, Monsanto est au centre de nombreuses plaintes. Les poursuites en justice s’accumulent contre ses produits, en particulier le Roundup, un des herbicides les plus utilisés dans le monde et conçu avec du glyphosate.

Le Centre international de recherche sur le cancer (Circ) de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a classé en 2015 la substance comme « probablement cancérogène ». Des centaines de milliers de plaintes ont depuis été déposées par des particuliers exposés au désherbant et ayant développé des cancers.

En 2020, Bayer a accepté de verser 10 milliards de dollars pour régler des litiges avec près de 95 000 personnes. La somme reste parmi les plus importantes jamais accordées pour de tels litiges dans le pays. D’autres plaintes ont suivi, avec un enchaînement de condamnations ces derniers mois pour ne pas avoir averti les consommateurs du potentiel danger du Roundup.

En novembre, Bayer a été condamné par la justice du Missouri à verser 1,5 milliard de dollars à trois victimes. L’utilisation du Roundup pour jardiner a développé chez eux un lymphome non hodgkinien, un cancer du système lymphatique. Un mois plus tôt, l’entreprise a perdu des procès à Saint-Louis, San Diego et Philadelphie, cumulant 500 millions de dollars à verser.

Pression des actionnaires

Le groupe s’affiche pourtant optimiste. 113 000 sur près de 165 000 litiges « ont été réglés » selon Bayer, qui affirme qu’« ayant gagné la majorité des procès [...] l’entreprise est confiante dans sa stratégie légale et continuera à défendre des affaires en procès ».

Ces défaites judiciaires en cascade chamboulent pourtant l’organisation du groupe allemand. Les investisseurs semblent reculer. La valeur des actions en bourse a ainsi chuté de 19 % fin novembre ; le niveau le plus bas depuis dix ans.

Un nouveau PDG a également été nommé en juin. Bill Anderson doit désormais trouver le moyen de limiter la casse. Une possibilité serait de séparer la société en deux, avec d’un côté les activités agro-industrielles, dont fait partie la fabrication d’herbicides, et de l’autre le reste des activités branches, dont la production pharmaceutique, l’activité phare de Bayer. Une autre option serait de se débarrasser définitivement des activités liées au Roundup. Ne reste qu’à trouver un acheteur pour reprendre le cadeau empoisonné.

Par Edward Maille (publié le 21/12/2023)
A lire sur le site Reporterre