Le Guatemala dit enfin adieu au pétrolier franco-britannique Perenco
Perenco au Guatemala, c’est fini. La compagnie franco-britannique va cesser d’exploiter le pétrole et de détruire l’environnement du pays : le nouveau gouvernement de centre-gauche ne va pas renouveler son contrat.

C’est une des premières décisions fortes du nouveau gouvernement du Guatemala, dirigé depuis mi-janvier par Bernardo Arevalo (centre-gauche). Trois semaines après le début de son mandat, le ministre de l’Énergie et des Mines a annoncé que le contrat d’exploitation pétrolière de Perenco ne sera pas renouvelé. La décision tranche avec l’histoire, cousue d’irrégularités, qu’a exposé une enquête de Reporterre, de la compagnie franco-britannique au Guatemala .Celle-ci avait sans cesse été soutenue par les autorités.

Ce pays de 14 millions d’habitants peut dire adieu aux forages et torchères de cette major, et à leurs corollaires : la destruction, depuis un quart de siècle, de la deuxième plus grande zone humide d’Amérique latine et celle de la santé des habitants. Un exemple ? Dans le nord du pays, près de forages du Campo Xan gérés par l’entreprise, « 30 % des grossesses se terminent par un décès à la naissance », s’alarmaient trois ONG en 2015 dans une lettre au Conseil des droits de l’Homme de l’Organisation des Nations unies (ONU).

Deuxième groupe pétrolier français, Perenco a fait la fortune de la famille Perrodo (classée quinzième de France par Challenges en 2022) grâce à une spécialité : le rachat de puits considérés comme n’étant plus rentables afin d’en prolonger l’exploitation. C’est en 1999 qu’il avait acheté la concession guatémaltèque, qui courait jusqu’en 2010. À l’approche de son expiration, elle avait été prolongée de quinze ans par le président Álvaro Colom (centre-gauche). Une décision suspecte : trois ministres et le Conseil national des zones protégées (Conap) s’y étaient opposés, et aucune étude d’impact environnemental — pourtant obligatoire — n’avait été présentée.

En outre, Perenco enfreint une loi environnementale — comme dans bien des pays où il opère — car le site d’exploitation se trouve au cœur du parc national Laguna del Tigre, zone déclarée protégée en 1989 où sont interdites les activités humaines, à plus forte raison industrielles.

Une énième prolongation

Cela n’a pas empêché le président sortant, Alejandro Giammattei Falla (droite), un oligarque proche des milieux d’affaires, de tenter de prolonger la concession une fois de plus. Il fallait pour cela modifier la loi des hydrocarbures, qui n’autorise qu’une seule prorogation d’une durée de quinze ans – déjà accordée en 2010. Conçu pour ne bénéficier qu’à l’entreprise, le texte proposé au Congrès par le parti présidentiel a été aussitôt baptisé « loi Perenco » par ses opposants.

Il proposait que les contrats d’opérations pétrolières puissent être prolongés de vingt-cinq ans et sans appel d’offres jusqu’à atteindre « la limite économique du gisement ». C’est-à-dire le stade où « les coûts récupérables », à savoir les investissements réalisés par l’entreprise et remboursés par l’État, ne sont plus rentables.

Approuvé par le Congrès lors des deux premières lectures, le texte n’a pu faire l’objet d’une dernière lecture. Le parti du président avait pourtant tenté de hâter le vote de la loi avant le terme de la législature (en janvier 2024) – y compris en tentant d’acheter des votes, comme l’ont dénoncé des députés de l’opposition.

Perte d’argent pour l’État

Avec le renouvellement du Congrès et du président de la République, entrés en fonction en janvier 2024, le vent a tourné. Ainsi, le président de la commission de l’Énergie et des Mines et député du parti Vos (centre-gauche), Orlando Blanco, a-t-il signalé que, depuis 2014, le contrat de Perenco engendre des pertes pour l’État : « L’activité pétrolière de Perenco a généré 2,615 milliards de dollars (2,4 milliards d’euros) ; l’État a perçu 713 millions de dollars (657 millions d’euros) de redevances, mais a rendu à l’entreprise 896 millions de dollars (826 millions d’euros) » en raison du dispositif de « coûts récupérables ».

La fin des opérations de Perenco est donc prévue au terme du contrat, soit le 12 août 2025. Une table ronde réunira notamment le ministère de l’Environnement et des Ressources naturelles et le Conap afin, a annoncé le ministre de l’Énergie et des Mines Víctor Hugo Ventura, « d’analyser les étapes à suivre, d’assurer que la transition soit adéquate et que soient prises les mesures nécessaires dans le processus de fermeture ».

La multinationale, qui a extrait plus de 90 millions de barils de pétrole des terres du pays, a commencé dès juin 2023 à abandonner ses puits. À ce jour, 46 puits sur 59 sont encore actifs.

Par Mikaël Faujour (publié le 06/03/2024)
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