Emprunts toxiques : la Seine-Saint-Denis remporte une victoire contre Dexia
Le tribunal de grande instance de Nanterre a annulé vendredi 8 février les taux d'intérêt considérés comme usuraires de trois prêts contractés par le conseil général de Seine-Saint-Denis auprès de la banque Dexia, a annoncé à l'AFP le département.
Ces taux d'intérêt, "qui ont contribué à plonger les finances du département dans une situation dramatique", seront remplacés par le taux d'intérêt légal en vigueur, a précisé dans un communiqué le conseil général, faisant état d'une "importante victoire judiciaire (...) contre le scandale des emprunts toxiques".

"LA BELLE ASSURANCE QU'AFFICHAIT DEXIA S'EFFONDRE"

En 2008, 92,96 % des emprunts souscrits par le conseil général de Seine-Saint-Denis étaient "toxiques", selon le département. Le pourcentage a été ramené en 2012 à 65 %, "grâce à une politique active de sécurisation de l'encours de la dette", affirme-t-il dans son communiqué.

Le département avait assigné Dexia au civil en février 2011 à propos de 11 de ces emprunts toxiques, face au refus des banques de renégocier ces contrats. Pour 3 d'entre eux, le tribunal a exigé de la banque franco-belge qu'elle modifie ses taux d'intérêt, "jusqu'à la fin du contrat en 2031" a précisé l'avocat du Conseil général, Me Jean-Louis Vasseur.

"Jusque-là, nous nous opposions à une banque qui affichait son refus de toute négociation sur les taux et qui ne proposait que des solutions impossibles (...) La belle assurance qu'affichait Dexia devant ses clients s'effondre", a estimé Me Vasseur. Selon l'avocat, "c'est la première fois que Dexia se trouve condamné sur le fond".

VICE DE FORME

Cependant, selon un journaliste de Libération, la banque aurait en réalité perdu sur un vice de forme : elle aurait oublié de mentionner le taux effectif global ou "TEG", qui indique le coût réel, global, d'un crédit.


C'est d'ailleurs également ce que souligne Dexia vendredi soir. Dans un communiqué, où la banque prend acte de la décision du tribunal, elle fait valoir que le tribunal n'a pas remis en cause en tant que tels les prêts structurés qu'elle a consentis à la Seine-Saint-Denis, mais qu'il s'était appuyé sur l'absence d'une mention du taux d'intérêt sur un document préalable au contrat définitif.

"Ce point est purement technique et indépendant du caractère structuré des crédits consentis par Dexia", a relevé la banque, qui estime que le tribunal lui a donné raison sur le fond. En la matière, elle relève que le tribunal a reconnu qu'il s'agissait de contrats de prêts "parfaitement réguliers et conformes à la réglementation" et qu'elle n'a "en aucune manière manqué à son devoir d'information et de conseil vis-à-vis du département".

"UN SIGNE POSITIF POUR LES MILLIERS DE COLLECTIVITÉS VICTIMES"

De nombreux recours ont été introduits par des collectivités locales ces dernières années contre la banque franco-belge, à propos des emprunts toxiques. Certaines villes ont choisi de déposer plainte au pénal, comme Rosny-sur-Seine (Yvelines) en septembre 2011 et Asnières-sur-Seine (Hauts-de-Seine) en décembre 2011.

"J'accueille avec une grande satisfaction cette décision, réagit le président du conseil général de Seine-Saint-Denis, Stéphane Troussel, sur son blog. La justice française reconnaît la responsabilité de Dexia dont les agissements ont contribué à plonger les finances du département dans une situation dramatique" estime-t-il voyant cette victoire comme "un signe positif pour les milliers de collectivités victimes de ces emprunts".

Le maire d'Asnières s'est d'ailleurs empressé de saluer cette décision sur Twitter.


Les députés ont voté début décembre la création d'un fonds de soutien de 50 millions d'euros aux collectivités touchées par les emprunts toxiques, dans le cadre du budget rectificatif 2012. Une commission d'enquête parlementaire sur les emprunts toxiques aux collectivités avait chiffré l'an dernier le volume de ces prêts à 18,8 milliards d'euros.

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