08 Sept 2024
Les élections européennes ont vu les partis d’extrême droite gagner du terrain, mais en Finlande c’est l’Alliance de gauche [gauche radicale] qui a réussi une percée, en réalisant un score de 17 %, tandis que l’extrême droite (le Parti des Finlandais) régressait de 13,8% à 7,6%. La dirigeante de l’Alliance de gauche, Li Andersson, explique dans cet entretien les raisons de son succès et comment son parti a fait reculer l’extrême droite.
Les forces politiques xénophobes et racistes ont progressé dans une grande partie de l’Union européenne, notamment en France et en Autriche. Ces partis contrôlent désormais collectivement près d’un quart des sièges, y compris ceux qui ont des liens avec les néo-nazis, comme l’Alternative für Deutschland (AfD) en Allemagne et le Front National Populaire (ELAM) à Chypre.
L’Europe du Nord s’est démarquée de cette sinistre tendance, et les nouvelles en provenance de Finlande ont été particulièrement intéressantes. Alors que le Parti des Finlandais d’extrême droite est une composante du gouvernement depuis un an, le grand vainqueur du scrutin de dimanche se situe à l’autre extrémité de l’échiquier politique. L’Alliance de Gauche socialiste a obtenu 17,3 % des voix et a envoyé trois député.es au Parlement européens, ce qui la place en deuxième position derrière le Parti de la Coalition Nationale de centre-droit. Le Parti des Finlandais a perdu un siège, passant de 13,8 à 7,6 % des voix.
La dirigeante de l’Alliance de Gauche, Li Andersson, a obtenu 247 600 voix, soit une voix sur sept de tous les suffrages exprimés en Finlande. C’est le plus grand nombre de voix qu’un.e candidat.e aux législatives finlandaises ait jamais obtenu, et le meilleur score de la gauche radicale finlandaise depuis 1979. Sans surprise pour une candidate de gauche, elle a fermement rejeté les attaques incessantes contre les travailleurs.ses et les immigré.es en Finlande et dans toute l’Europe.
Mais sa campagne victorieuse a également appelé à des sanctions contre Israël pour sa guerre contre Gaza, à des restrictions sur les armes nucléaires et à l’apaisement des relations entre la Finlande et la Chine. Bien qu’elle ait lancé des appels qui ont mis en colère la presse de droite – comme le fait d’autoriser les député.es de l’Alliance de Gauche à voter librement au Parlement sur l’adhésion de la Finlande à l’OTAN – 25 % des électeurs et des électrices de Finlande la considèrent comme la dirigeante de parti la plus compétente du pays.
Chris Dite, de Jacobin, s’est entretenu avec Li Andersson au sujet du défi lancé par l’Alliance de Gauche à l’extrême droite, de la menace de guerre et de la construction d’une alternative internationale de gauche.
CHRIS DITE : Beaucoup de gens en Europe vont regarder vos résultats [en Finlande] avec envie. Comment avez-vous fait ?
LI ANDERSSON : Tous les partis rouges et verts ont obtenu de très bons résultats en Finlande, au Danemark et en Suède. Beaucoup de travail a été fait dans les pays nordiques pour créer et construire des partis modernes qui combinent une politique environnementale et climatique ambitieuse avec les thèmes traditionnels de la gauche : les droits des travailleurs.ses, l’investissement dans les services sociaux, l’égalité de la répartition des revenus, etc.
On peut vraiment voir que la gauche est en train de changer. Ces partis s’affirment comme de véritables acteurs de pouvoir à part entière, et non comme de simples partis de soutien aux sociaux-démocrates. En Finlande et au Danemark, les partis rouge-vert ont obtenu plus de voix que les partis sociaux-démocrates traditionnels. Cela montre qu’ils deviennent pour de nombreux électeurs une sorte de « première alternative » à gauche.
CHRIS DITE : Le vote pour l’extrême droite finlandaise s’est effondré lors de ces élections. Les électeurs punissent-ils le Parti des Finlandais pour les mesures d’austérité qu’il a prises depuis qu’il est au pouvoir ?
LI ANDERSSON : Les partis d’extrême droite sont actuellement au pouvoir en Finlande et en Suède, ils travaillent avec la droite traditionnelle et influencent la politique. Les électeurs ont vu ce qu’ils font lorsqu’ils sont au pouvoir.
En Finlande, ils ont trahi presque toutes les promesses électorales sur lesquelles ils avaient fait campagne. Les politiques économiques qu’ils mettent en œuvre sont exactement les mêmes, voire pires, que celles des partis de droite traditionnels. Nous avons assisté à des réductions historiques des revenus et de la sécurité sociale pour de nombreux travailleurs et travailleuses à faibles revenus, ainsi qu’à des attaques historiques contre les syndicats et les droits des travailleurs et des travailleuses.
Tout au long de notre campagne, le message que nous avons adressé aux électeurs et aux électrices était que nous devions nous assurer que ce même type de changement politique ne se produise pas au niveau européen. Ainsi, parce que les électeurs set les électrices savent ce que signifie la collaboration entre l’extrême droite et la droite traditionnelle, ils et elles ont abandonné l’extrême droite. Le Parti des Finlandais a connu de très mauvais résultats à ces élections, et les Démocrates de Suède, d’extrême-droite, ont également perdu gros.
CHRIS DITE : Certains des partis avec lesquels vous serez en contact au Parlement européen ont à peine caché leurs liens avec les néonazis. Votre expérience avec le Parti des Finlandais vous a-t-elle préparé à cela ? Quelle est la meilleure façon de contrer l’attrait de l’extrême droite ?
LI ANDERSSON : Ces partis peuvent se dire « nationalistes », mais l’expérience finlandaise montre que l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite a des conséquences terribles pour les gens ordinaires. Le Parti des Finlandais a trahi tous les citoyens ordinaires qui ont voté pour lui, sur toutes les questions liées à leurs droits et à leur vie quotidienne.
Au sein du gouvernement, la seule question qui préoccupait le Parti des Finlandais lorsqu’il négociait avec ses partenaires de coalition était celle de l’immigration. Ils voulaient que la politique migratoire finlandaise, déjà très restrictive, le devienne encore plus. Ils étaient prêts à sacrifier tout le reste : les travailleurs et les travailleuses, les personnes à faible revenu, les personnes qui ont besoin de services sociaux et de soins de santé. Une partie importante de la stratégie de lutte contre l’extrême droite consiste à mettre en avant cette expérience finlandaise.
L’extrême droite tire un grand profit du cynisme à l’égard de l’avenir. Elle entraîne l’atmosphère politique dans une direction où elle est si terrible que beaucoup de gens ne veulent plus se lancer dans la politique. Cela a un effet négatif et réel sur la démocratie, en particulier pour les personnes appartenant aux minorités.
L’autre enseignement que je tire des résultats des élections dans les pays nordiques est que pour contrer l’extrême droite, nous avons besoin d’une orientation politique rouge-verte qui crée de l’espoir. Nous devons montrer aux gens que nous sommes capables de répondre à la grande crise écologique qui affecte notre avenir à tous et à toutes, que nous n’avons pas perdu cette course, qu’il est possible de changer la situation.
L’autre élément crucial est la partie « rouge ». Aux niveaux européen et national, nous pouvons détourner l’attention des partis d’extrême droite en prenant au sérieux les questions sociales et en adoptant un programme progressiste pour s’attaquer au coût de la vie, au logement, aux droits des travailleurs, aux services sociaux et aux soins de santé. Nous devons montrer que lorsque la gauche est au pouvoir, nous pouvons apporter des changements qui ont un impact sur la vie quotidienne des gens ordinaires.
CHRIS DITE : Les jeunes qui s’organisent en Finlande contre la guerre à Gaza ont récemment gagné sur certaines de leurs revendications. L’Alliance de Gauche a été une voix cohérente contre la guerre à Gaza et les profits que le Parti des Finlandais tire de la violence israélienne. Pensez-vous que la jeune génération est en train de faire évoluer le débat sur la Palestine ?
LI ANDERSSON : Absolument. Pour de nombreux jeunes électeurs et électrices en Finlande, Gaza est l’une des questions les plus importantes. D’après ce que j’ai compris, il en va de même dans les autres pays nordiques. Beaucoup de jeunes ont été choqué.es par le fait que le monde soit incapable d’arrêter la souffrance humaine à l’échelle de ce que nous avons vu à Gaza. Pour beaucoup de jeunes, le double standard est incompréhensible.
L’Alliance de Gauche a beaucoup parlé des implications que cela aura pour le soi-disant « bloc occidental » dans ses relations avec le Sud et le reste du monde. C’est une façon d’agir tellement illogique : d’abord exiger que tout le monde se joigne à la condamnation de la Russie, mais ensuite refuser de faire de même lorsqu’il s’agit d’Israël. De la même manière que nous devrions tous et toutes condamner l’invasion illégale de l’Ukraine par la Russie, nous devrions être en mesure de condamner les actions d’Israël à Gaza, qui constituent également une violation flagrante du droit international.
L’Alliance de Gauche a appelé à des sanctions contre Israël, ainsi qu’au gel de l’accord de libre-échange entre l’UE et Israël, afin de faire pression sur Israël pour qu’il cesse ses agissements.
CHRIS DITE : Au cours de votre campagne, vous avez plaidé en faveur d’une relance du débat sur les armes nucléaires en Finlande. L’année dernière, en tant que cheffe de parti, vous avez autorisé vos député.es à voter librement sur la question de l’adhésion à l’OTAN. Quelles sont les complexités du débat finlandais sur la guerre et la paix en Europe ?
LI ANDERSSON : Pour les Finlandais, où ils se trouvent, la guerre et la paix ne sont pas quelque chose de théorique. Dans toutes les familles, les gens ont connu la guerre il y a quelques générations. Nous avons également une armée de conscription générale, ce qui signifie que les citoyens ordinaires font leur service militaire. Ils savent que s’il devait y avoir une guerre, cela signifierait un engagement pour tout le monde. Ce n’est pas comme aux États-Unis, où seule la classe travailleuse paie le prix.
Pour ces raisons, la politique de sécurité mobilise un large éventail d’électeurs et d’électrices en Finlande. On peut le voir dans le soutien que la Finlande a apporté à l’Ukraine : beaucoup de Finlandais et Finlandaises s’identifient à la situation de ce pays sur la base de nos propres expériences historiques.
On peut également le voir dans l’évolution des attitudes vis-à-vis de l’adhésion à l’OTAN. Pour les Finlandais.es, le fait que notre voisin soit prêt à lancer une invasion à grande échelle d’un autre pays indépendant a vraiment frappé les esprits. L’opinion commune était que nous devions faire partie de quelque chose de plus grand que nous, afin de réduire la probabilité qu’une telle chose arrive à notre propre pays. C’est ce qui a amené nombre d’électeurs et électrices de gauche à changer d’attitude vis-à-vis de l’adhésion à l’OTAN. J’aurais aimé qu’il y ait une option européenne pour la Finlande afin d’obtenir cette garantie de sécurité, mais il n’y en avait pas vraiment.
Dans le même temps, l’opinion publique soutient fermement la lutte contre les armes nucléaires. La loi actuelle en Finlande interdit l’importation et le stockage d’armes nucléaires sur le territoire finlandais. Ne pas changer cette loi reste notre ligne de parti. En ce qui concerne la décision d’autoriser un vote libre sur l’adhésion à l’OTAN, nous avons vu à l’époque que les opinions étaient divisées au sein du parti, du groupe parlementaire et de notre base électorale. S’il existe réellement des divergences d’opinion au sein du parti, il est parfois plus judicieux de créer une atmosphère propice à un désaccord constructif, plutôt que d’obliger tout le monde à voter à l’unanimité.
Lire la suite sur CADTM - 02-07/2024
Les forces politiques xénophobes et racistes ont progressé dans une grande partie de l’Union européenne, notamment en France et en Autriche. Ces partis contrôlent désormais collectivement près d’un quart des sièges, y compris ceux qui ont des liens avec les néo-nazis, comme l’Alternative für Deutschland (AfD) en Allemagne et le Front National Populaire (ELAM) à Chypre.
L’Europe du Nord s’est démarquée de cette sinistre tendance, et les nouvelles en provenance de Finlande ont été particulièrement intéressantes. Alors que le Parti des Finlandais d’extrême droite est une composante du gouvernement depuis un an, le grand vainqueur du scrutin de dimanche se situe à l’autre extrémité de l’échiquier politique. L’Alliance de Gauche socialiste a obtenu 17,3 % des voix et a envoyé trois député.es au Parlement européens, ce qui la place en deuxième position derrière le Parti de la Coalition Nationale de centre-droit. Le Parti des Finlandais a perdu un siège, passant de 13,8 à 7,6 % des voix.
La dirigeante de l’Alliance de Gauche, Li Andersson, a obtenu 247 600 voix, soit une voix sur sept de tous les suffrages exprimés en Finlande. C’est le plus grand nombre de voix qu’un.e candidat.e aux législatives finlandaises ait jamais obtenu, et le meilleur score de la gauche radicale finlandaise depuis 1979. Sans surprise pour une candidate de gauche, elle a fermement rejeté les attaques incessantes contre les travailleurs.ses et les immigré.es en Finlande et dans toute l’Europe.
Mais sa campagne victorieuse a également appelé à des sanctions contre Israël pour sa guerre contre Gaza, à des restrictions sur les armes nucléaires et à l’apaisement des relations entre la Finlande et la Chine. Bien qu’elle ait lancé des appels qui ont mis en colère la presse de droite – comme le fait d’autoriser les député.es de l’Alliance de Gauche à voter librement au Parlement sur l’adhésion de la Finlande à l’OTAN – 25 % des électeurs et des électrices de Finlande la considèrent comme la dirigeante de parti la plus compétente du pays.
Chris Dite, de Jacobin, s’est entretenu avec Li Andersson au sujet du défi lancé par l’Alliance de Gauche à l’extrême droite, de la menace de guerre et de la construction d’une alternative internationale de gauche.
CHRIS DITE : Beaucoup de gens en Europe vont regarder vos résultats [en Finlande] avec envie. Comment avez-vous fait ?
LI ANDERSSON : Tous les partis rouges et verts ont obtenu de très bons résultats en Finlande, au Danemark et en Suède. Beaucoup de travail a été fait dans les pays nordiques pour créer et construire des partis modernes qui combinent une politique environnementale et climatique ambitieuse avec les thèmes traditionnels de la gauche : les droits des travailleurs.ses, l’investissement dans les services sociaux, l’égalité de la répartition des revenus, etc.
On peut vraiment voir que la gauche est en train de changer. Ces partis s’affirment comme de véritables acteurs de pouvoir à part entière, et non comme de simples partis de soutien aux sociaux-démocrates. En Finlande et au Danemark, les partis rouge-vert ont obtenu plus de voix que les partis sociaux-démocrates traditionnels. Cela montre qu’ils deviennent pour de nombreux électeurs une sorte de « première alternative » à gauche.
CHRIS DITE : Le vote pour l’extrême droite finlandaise s’est effondré lors de ces élections. Les électeurs punissent-ils le Parti des Finlandais pour les mesures d’austérité qu’il a prises depuis qu’il est au pouvoir ?
LI ANDERSSON : Les partis d’extrême droite sont actuellement au pouvoir en Finlande et en Suède, ils travaillent avec la droite traditionnelle et influencent la politique. Les électeurs ont vu ce qu’ils font lorsqu’ils sont au pouvoir.
En Finlande, ils ont trahi presque toutes les promesses électorales sur lesquelles ils avaient fait campagne. Les politiques économiques qu’ils mettent en œuvre sont exactement les mêmes, voire pires, que celles des partis de droite traditionnels. Nous avons assisté à des réductions historiques des revenus et de la sécurité sociale pour de nombreux travailleurs et travailleuses à faibles revenus, ainsi qu’à des attaques historiques contre les syndicats et les droits des travailleurs et des travailleuses.
Tout au long de notre campagne, le message que nous avons adressé aux électeurs et aux électrices était que nous devions nous assurer que ce même type de changement politique ne se produise pas au niveau européen. Ainsi, parce que les électeurs set les électrices savent ce que signifie la collaboration entre l’extrême droite et la droite traditionnelle, ils et elles ont abandonné l’extrême droite. Le Parti des Finlandais a connu de très mauvais résultats à ces élections, et les Démocrates de Suède, d’extrême-droite, ont également perdu gros.
CHRIS DITE : Certains des partis avec lesquels vous serez en contact au Parlement européen ont à peine caché leurs liens avec les néonazis. Votre expérience avec le Parti des Finlandais vous a-t-elle préparé à cela ? Quelle est la meilleure façon de contrer l’attrait de l’extrême droite ?
LI ANDERSSON : Ces partis peuvent se dire « nationalistes », mais l’expérience finlandaise montre que l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite a des conséquences terribles pour les gens ordinaires. Le Parti des Finlandais a trahi tous les citoyens ordinaires qui ont voté pour lui, sur toutes les questions liées à leurs droits et à leur vie quotidienne.
Au sein du gouvernement, la seule question qui préoccupait le Parti des Finlandais lorsqu’il négociait avec ses partenaires de coalition était celle de l’immigration. Ils voulaient que la politique migratoire finlandaise, déjà très restrictive, le devienne encore plus. Ils étaient prêts à sacrifier tout le reste : les travailleurs et les travailleuses, les personnes à faible revenu, les personnes qui ont besoin de services sociaux et de soins de santé. Une partie importante de la stratégie de lutte contre l’extrême droite consiste à mettre en avant cette expérience finlandaise.
L’extrême droite tire un grand profit du cynisme à l’égard de l’avenir. Elle entraîne l’atmosphère politique dans une direction où elle est si terrible que beaucoup de gens ne veulent plus se lancer dans la politique. Cela a un effet négatif et réel sur la démocratie, en particulier pour les personnes appartenant aux minorités.
L’autre enseignement que je tire des résultats des élections dans les pays nordiques est que pour contrer l’extrême droite, nous avons besoin d’une orientation politique rouge-verte qui crée de l’espoir. Nous devons montrer aux gens que nous sommes capables de répondre à la grande crise écologique qui affecte notre avenir à tous et à toutes, que nous n’avons pas perdu cette course, qu’il est possible de changer la situation.
L’autre élément crucial est la partie « rouge ». Aux niveaux européen et national, nous pouvons détourner l’attention des partis d’extrême droite en prenant au sérieux les questions sociales et en adoptant un programme progressiste pour s’attaquer au coût de la vie, au logement, aux droits des travailleurs, aux services sociaux et aux soins de santé. Nous devons montrer que lorsque la gauche est au pouvoir, nous pouvons apporter des changements qui ont un impact sur la vie quotidienne des gens ordinaires.
CHRIS DITE : Les jeunes qui s’organisent en Finlande contre la guerre à Gaza ont récemment gagné sur certaines de leurs revendications. L’Alliance de Gauche a été une voix cohérente contre la guerre à Gaza et les profits que le Parti des Finlandais tire de la violence israélienne. Pensez-vous que la jeune génération est en train de faire évoluer le débat sur la Palestine ?
LI ANDERSSON : Absolument. Pour de nombreux jeunes électeurs et électrices en Finlande, Gaza est l’une des questions les plus importantes. D’après ce que j’ai compris, il en va de même dans les autres pays nordiques. Beaucoup de jeunes ont été choqué.es par le fait que le monde soit incapable d’arrêter la souffrance humaine à l’échelle de ce que nous avons vu à Gaza. Pour beaucoup de jeunes, le double standard est incompréhensible.
L’Alliance de Gauche a beaucoup parlé des implications que cela aura pour le soi-disant « bloc occidental » dans ses relations avec le Sud et le reste du monde. C’est une façon d’agir tellement illogique : d’abord exiger que tout le monde se joigne à la condamnation de la Russie, mais ensuite refuser de faire de même lorsqu’il s’agit d’Israël. De la même manière que nous devrions tous et toutes condamner l’invasion illégale de l’Ukraine par la Russie, nous devrions être en mesure de condamner les actions d’Israël à Gaza, qui constituent également une violation flagrante du droit international.
L’Alliance de Gauche a appelé à des sanctions contre Israël, ainsi qu’au gel de l’accord de libre-échange entre l’UE et Israël, afin de faire pression sur Israël pour qu’il cesse ses agissements.
CHRIS DITE : Au cours de votre campagne, vous avez plaidé en faveur d’une relance du débat sur les armes nucléaires en Finlande. L’année dernière, en tant que cheffe de parti, vous avez autorisé vos député.es à voter librement sur la question de l’adhésion à l’OTAN. Quelles sont les complexités du débat finlandais sur la guerre et la paix en Europe ?
LI ANDERSSON : Pour les Finlandais, où ils se trouvent, la guerre et la paix ne sont pas quelque chose de théorique. Dans toutes les familles, les gens ont connu la guerre il y a quelques générations. Nous avons également une armée de conscription générale, ce qui signifie que les citoyens ordinaires font leur service militaire. Ils savent que s’il devait y avoir une guerre, cela signifierait un engagement pour tout le monde. Ce n’est pas comme aux États-Unis, où seule la classe travailleuse paie le prix.
Pour ces raisons, la politique de sécurité mobilise un large éventail d’électeurs et d’électrices en Finlande. On peut le voir dans le soutien que la Finlande a apporté à l’Ukraine : beaucoup de Finlandais et Finlandaises s’identifient à la situation de ce pays sur la base de nos propres expériences historiques.
On peut également le voir dans l’évolution des attitudes vis-à-vis de l’adhésion à l’OTAN. Pour les Finlandais.es, le fait que notre voisin soit prêt à lancer une invasion à grande échelle d’un autre pays indépendant a vraiment frappé les esprits. L’opinion commune était que nous devions faire partie de quelque chose de plus grand que nous, afin de réduire la probabilité qu’une telle chose arrive à notre propre pays. C’est ce qui a amené nombre d’électeurs et électrices de gauche à changer d’attitude vis-à-vis de l’adhésion à l’OTAN. J’aurais aimé qu’il y ait une option européenne pour la Finlande afin d’obtenir cette garantie de sécurité, mais il n’y en avait pas vraiment.
Dans le même temps, l’opinion publique soutient fermement la lutte contre les armes nucléaires. La loi actuelle en Finlande interdit l’importation et le stockage d’armes nucléaires sur le territoire finlandais. Ne pas changer cette loi reste notre ligne de parti. En ce qui concerne la décision d’autoriser un vote libre sur l’adhésion à l’OTAN, nous avons vu à l’époque que les opinions étaient divisées au sein du parti, du groupe parlementaire et de notre base électorale. S’il existe réellement des divergences d’opinion au sein du parti, il est parfois plus judicieux de créer une atmosphère propice à un désaccord constructif, plutôt que d’obliger tout le monde à voter à l’unanimité.
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