Le “café suspendu” : une initiative solidaire

Le concept du café en attente propose aux clients d’offrir une boisson ou un repas à un inconnu. Et esquisse un mouvement citoyen.

Un café pour un café, une frite pour une frite. Non, il ne s’agit pas d’une nouvelle version culinaire de la loi du talion. Plutôt d’une nouvelle forme de solidarité. Très populaire à Naples, d’où le concept est issu, il fait des émules en Belgique, où des commerçants s’en sont emparés.

“Nous avions relayé le concept il y a quelques semaines”, remarque Christophe Thielens, du Samu Social de Bruxelles. “Nous le trouvions intéressant et interpellant, c’est un outil de mobilisation avec un potentiel important.”

De fait, à Bruxelles toujours, la friterie Bompa – comme La Frite, à Liège celle-ci – s’inspire de l’idée et la met à la sauce belge. Au sens propre comme au figuré, puisqu’elle propose une frite suspendue. L’initiative, bien belge, fait le buzz, une fois encore, sur le web. Parallèlement, en France notamment, des cafés permettent à leurs clients d’offrir une boisson ou un repas en attente.

Une sauce qui prend et fait naître l’engouement. Des pages Facebook sont créées, les internautes se mettent à liker. La machine se met en route mais… “il ne faut pas que cela se substitue aux aides déjà existantes, que cela occulte les besoins des services d’aide aux démunis”, nuance M. Thielens.

De fait, la solidarité virtuelle n’a pas encore les reins assez solides, le buzz est bien là, mais le concept reste fragile. Sans compter le risque de transformer le mouvement citoyen naissant en pure opportunité commerciale.

Sylvie Vandemeersche, spécialiste de la communication mais avant tout citoyenne, se lance alors dans le mouvement. Où plutôt, tente de le fédérer un minimum. Via une page Facebook, elle tâche de motiver snacks, petits restaurants, etc. En reprenant l’idée d’un coupon. Ce petit billet évite les abus : le commerçant remet ce document au client, qui ensuite l’offre à une personne dans le besoin. Si bien qu’il devrait être possible de déterminer le succès, ou non, de l’opération.

Car les participants à ce projet sont conscients des critiques adressées à leur égard, et s’en défendent. Ils espèrent que l’idée fera tache d’huile, se répandra au bénéfice de personnes victimes de précarité.

Pour le Samu Social, cela reste “une initiative positive, une mobilisation citoyenne. Qui ne doit pas non plus déresponsabiliser les autorités”, et si possible s’inscrire dans la durée. Voire, pourquoi pas, entrer dans les habitudes.

Ils ont choisi de s’engager

“D’habitude, j’achète un croissant; une frite, ça change un peu”, nous dit une cliente. Il pleut et, à quelques pas du fritkot de Bompa, le tenancier nous montre un pont. “Il y a souvent des sans-abri là-bas. De temps en temps ils viennent ici, tournent devant. Ils ont faim”, raconte Eric, le désormais très connu tenancier du fritkot. L’homme n’en est pas à son coup d’essai, la pauvreté d’autrui lui retourne le cœur. Voilà pourquoi, inspiré par le concept du café suspendu, il l’a belgicisé. Sans se douter qu’une foule de journalistes (jusqu’à des Polonais !) envahiraient son lieu de travail. Sylvie Dutillieux gère la sandwicherie The Munchies, à Soignies. Elle est de la même veine. “Je l’ai vu dans une émission. C’est très bien, le concept est pas mal dans un monde où c’est chacun pour soi !” Du coup, avec l’aide de Mme Vandemeersch, elle se lance dans le mouvement. Le réseau apporte de la crédibilité à cette initiative citoyenne qu’elle espère, comme Eric, voir se développer.Car au-delà de la frite, du café ou du sandwich, “c’est important pour recréer des liens entre les gens”. C’est un peu l’idée défendue par ces citoyens (extra) ordinaires : de la solidarité et beaucoup d’humanité.

Jean-Baptiste Marchal (La Dernière Heure)

Lire l'article sur le site de: Essentielle (10/04/2013)