17 Mar 2015
Malgré les protestations des conservateurs, l'Algérie a adopté une loi criminalisant les violences faites aux femmes. Les féministes saluent une belle «avancée», bien que le texte prévoie l'arrêt des poursuites judiciaires en cas de pardon de la victime.
Un beau cadeau à deux jours de la Journée internationale des droits de la femme. Les députés algériens ont adopté une loi criminalisant les violences contre les femmes, et introduisant en outre les notions de harcèlement dans les lieux publics et de harcèlement moral conjugal. Désormais, quiconque portera volontairement des coups à son conjoint, encourra, en fonction de la gravité des blessures, d’un à 20 ans d’emprisonnement, et la réclusion à perpétuité en cas de décès. Une clause prévoit toutefois que le pardon de l'épouse peut mettre fin aux poursuites judiciaires ou du moins alléger la peine –ce que déplorent les féministes. Un autre article prévoit six mois à deux ans de prison pour «quiconque exerce sur son épouse des contraintes afin de disposer de ses biens ou de ses ressources financières». Sur les 462 députés, 284 étaient présents et 59 ont remis des procurations pour le vote de ce texte modifiant et complétant le code pénal, rapporte Algerie1.com.
Ce texte était vivement demandé depuis de nombreuses années par les défenseurs des droits de la femme, et paraît logique à toute société moderne qui se respecte, et pourtant, il n’a pas manqué de faire polémique, les plus conservateurs estimant qu’il s’agissait d’une intrusion dans l'intimité du couple contraire aux valeurs de l'islam. Certains élus ont accusé le gouvernement de vouloir imposer des normes occidentales à une société musulmane, rapporte l’AFP. En l’état, cette loi est «contraire aux préceptes coraniques et vise la dislocation de la famille», a jugé le député Naamane Belaouar de l'Alliance pour l'Algérie Verte, une coalition de partis islamistes (MSP, El Islah et Ennahda) qui a boycotté la séance. Les députés d'une autre formation islamiste, El Adala, ont voté contre, considérant que ces réformes auraient dû s’accompagner de lois mettant fin «au non port du voile et à la nudité des femmes dans les lieux publics, cause principale des harcèlements» selon eux. Le député indépendant Ahmed Khelif pense pour sa part que cette loi constitue une légitimation des relations extra-conjugales. Selon lui, «il sera plus simple d'avoir une maîtresse que d'être marié et de courir le risque d'être poursuivi en justice pour n'importe quelle faute». Les députés du parti des travailleurs (PT), enfin, ont préféré s’abstenir, estimant que cette loi constituait «un pas positif et progressiste mais contradictoire». L'Alliance pour l'Algérie Verte réclame le retrait de ce projet. Les députés ont proposé 16 amendements qui ont été soumis à la commission des affaires juridiques et le vote devrait avoir lieu ce vendredi.
Face à ses détracteurs, le ministre de la Justice Tayeb Louh tient bon. «Le projet de loi relatif à la protection de la femme de toutes formes de violences sera maintenu. Et je tiens à préciser que ce document n’est pas contraire aux préceptes de l’islam et ne vise nullement la dislocation de la famille», a-t-il affirmé. Selon lui, «les versets coraniques protègent l'honneur de la femme et ne permettent pas d'accepter ce phénomène» de violences, qui «s'amplifie» gravement, a-t-il souligné. «Nous sommes souverains dans nos décisions. Ce texte n’a pas été élaboré sous des pressions étrangères, mais s’inscrit dans le cadre d’une stratégie nationale pour la protection de la femme qui tient compte des spécificités religieuses et culturelles de la société algérienne», lit-on encore dans les colonnes du grand quotidien d’Alger «El Watan». Et de conclure, sûr de lui : «Si cette démarche et ce projet ne sont pas du goût de certains partis, je n’y peux rien. Moi je le trouve parfait. Personnellement, j’ai une femme et des filles et je dois préserver leur dignité.»
Entre 100 et 200 femmes meurent chaque année de violences familiales, selon des statistiques parues dans la presse. Une situation alarmante pour Fouzia Sahnoun du Rassemblement national démocratique (RND) qui parle de «terrorisme familial». Plusieurs de ses consoeurs du Front de libération nationale (FLN, au pouvoir) se sont félicitées de cette loi qui constitue «une avancée» en termes de protection de la femme. L’Algérie est seulement le deuxième pays du Maghreb après la Tunisie à criminaliser les violences contre les femmes. Au Maroc, un projet de loi contre les violences faites aux femmes est à l'étude mais fait l'objet de vifs débats.
Par M.D. (06/03/2015)
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Un beau cadeau à deux jours de la Journée internationale des droits de la femme. Les députés algériens ont adopté une loi criminalisant les violences contre les femmes, et introduisant en outre les notions de harcèlement dans les lieux publics et de harcèlement moral conjugal. Désormais, quiconque portera volontairement des coups à son conjoint, encourra, en fonction de la gravité des blessures, d’un à 20 ans d’emprisonnement, et la réclusion à perpétuité en cas de décès. Une clause prévoit toutefois que le pardon de l'épouse peut mettre fin aux poursuites judiciaires ou du moins alléger la peine –ce que déplorent les féministes. Un autre article prévoit six mois à deux ans de prison pour «quiconque exerce sur son épouse des contraintes afin de disposer de ses biens ou de ses ressources financières». Sur les 462 députés, 284 étaient présents et 59 ont remis des procurations pour le vote de ce texte modifiant et complétant le code pénal, rapporte Algerie1.com.
Ce texte était vivement demandé depuis de nombreuses années par les défenseurs des droits de la femme, et paraît logique à toute société moderne qui se respecte, et pourtant, il n’a pas manqué de faire polémique, les plus conservateurs estimant qu’il s’agissait d’une intrusion dans l'intimité du couple contraire aux valeurs de l'islam. Certains élus ont accusé le gouvernement de vouloir imposer des normes occidentales à une société musulmane, rapporte l’AFP. En l’état, cette loi est «contraire aux préceptes coraniques et vise la dislocation de la famille», a jugé le député Naamane Belaouar de l'Alliance pour l'Algérie Verte, une coalition de partis islamistes (MSP, El Islah et Ennahda) qui a boycotté la séance. Les députés d'une autre formation islamiste, El Adala, ont voté contre, considérant que ces réformes auraient dû s’accompagner de lois mettant fin «au non port du voile et à la nudité des femmes dans les lieux publics, cause principale des harcèlements» selon eux. Le député indépendant Ahmed Khelif pense pour sa part que cette loi constitue une légitimation des relations extra-conjugales. Selon lui, «il sera plus simple d'avoir une maîtresse que d'être marié et de courir le risque d'être poursuivi en justice pour n'importe quelle faute». Les députés du parti des travailleurs (PT), enfin, ont préféré s’abstenir, estimant que cette loi constituait «un pas positif et progressiste mais contradictoire». L'Alliance pour l'Algérie Verte réclame le retrait de ce projet. Les députés ont proposé 16 amendements qui ont été soumis à la commission des affaires juridiques et le vote devrait avoir lieu ce vendredi.
Face à ses détracteurs, le ministre de la Justice Tayeb Louh tient bon. «Le projet de loi relatif à la protection de la femme de toutes formes de violences sera maintenu. Et je tiens à préciser que ce document n’est pas contraire aux préceptes de l’islam et ne vise nullement la dislocation de la famille», a-t-il affirmé. Selon lui, «les versets coraniques protègent l'honneur de la femme et ne permettent pas d'accepter ce phénomène» de violences, qui «s'amplifie» gravement, a-t-il souligné. «Nous sommes souverains dans nos décisions. Ce texte n’a pas été élaboré sous des pressions étrangères, mais s’inscrit dans le cadre d’une stratégie nationale pour la protection de la femme qui tient compte des spécificités religieuses et culturelles de la société algérienne», lit-on encore dans les colonnes du grand quotidien d’Alger «El Watan». Et de conclure, sûr de lui : «Si cette démarche et ce projet ne sont pas du goût de certains partis, je n’y peux rien. Moi je le trouve parfait. Personnellement, j’ai une femme et des filles et je dois préserver leur dignité.»
Entre 100 et 200 femmes meurent chaque année de violences familiales, selon des statistiques parues dans la presse. Une situation alarmante pour Fouzia Sahnoun du Rassemblement national démocratique (RND) qui parle de «terrorisme familial». Plusieurs de ses consoeurs du Front de libération nationale (FLN, au pouvoir) se sont félicitées de cette loi qui constitue «une avancée» en termes de protection de la femme. L’Algérie est seulement le deuxième pays du Maghreb après la Tunisie à criminaliser les violences contre les femmes. Au Maroc, un projet de loi contre les violences faites aux femmes est à l'étude mais fait l'objet de vifs débats.
Par M.D. (06/03/2015)
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