03 Avr 2019
Un fait inédit dans l’histoire des luttes sociales au Mexique s’est produit le mois de janvier dernier et a surpris tout le monde : une grève générale dans l’industrie des maquiladoras de la ville de Matamoros, Tamaulipas. Quelques 96 entreprises, affiliées à l’ex-officialiste Confederation des Travailleurs du Mexique (CTM), regroupant environ 60 000 travailleurs sont parties en grève sur la revendication d’une augmentation de salaire de 20% et d’une prime annuelle de 32 000 pesos (1670 dollars) indexée sur les hausses salariales. Le mouvement « 20 (%)-32(000 pesos) »a gagné dans 92 maquiladoras, quatre grèves restent à gagner en plus de la grève à l’usine Coca Cola. La vague gréviste a touché des puissants supermarchés comme Wall-Mart, Soriana et Chedraui, bien que là ils n’aient pas complètement atteint leurs objectifs.
Le mouvement a commencé quand le patronat a essayé d’escamoter une augmentation de 100% du salaire minimum, décrétée par le nouveau gouvernement d’Andres Manuel Lopez Obrador sur toute la zone frontalière, tentant par là de freiner la migration de travailleurs mexicains et de remplir les engagements d’améliorations salariales inscrits dans la renégociation de l’ALENA entre le Mexique, les Etats-Unis et le Canada. La manœuvre patronale résidant dans le fait qu’en échange de céder cette augmentation salariale ils prétendaient supprimer d’autres prestations inscrites dans les contrats de travail, y compris la prime annuelle. Les patrons expliquèrent, à travers leurs dociles représentants syndicaux, que le « coupable » de cette mesure était Lopez Obrador avec sa politique « irresponsable »
Face à l’attaque patronale et à la trahison des jaunes de la CTM, avec à leur tête Juan Villafuerte, les ouvriers à juste titre indignés, l’ont fait savoir sur les réseaux sociaux et dans des réunions de protestation à l’intérieur des entreprises et ont demandé le conseil d’une avocate du travail bien connue , Susana Prieto Terrazas, pour défendre leurs droits. L’avocate, qui réside à Ciudad Juarez, a décidé de se déplacer à Matamoros pour venir les conseiller. A son arrivée elle a été accueillie par des milliers de travailleurs qui, de façon spontanée, avaient déjà déclenché quelques arrêts de travail et envisageaient de les étendre à l’ensemble de l’industrie des maquiladoras. Ils avaient même tenté d’occuper le siège du syndicat. Face au risque d’être débordés par leurs bases, les syndicalistes jaunes n’ont pas eu d’autre choix que celui de déposer un appel à la grève générale pour le vendredi 25 janvier.
La réponse inhabituelle et combative de la classe ouvrière (souvenons nous qu’au Mexique on n’avait pas vu une réaction du même type depuis les années 30 du siècle passé) a mis la classe patronale en état d’alerte rouge. Les patrons ont déclaré de façon hypocrite qu’ils n’avaient « pas les moyens d’accorder une telle augmentation » et ont menacé de quitter le pays. Les salaires minimums journaliers au Mexique sont parmi les plus bas du monde : à partir du 1erjanvier 102.68 Pesos (5.34 dollars au niveau national et 176,72 pesos (9,20 dollars) dans la zone libre de la frontière nord). Même avec l’augmentation de 100%, les voraces entreprises maquiladoras payent dix fois moins au Mexique que ce qu’elles payent dans leurs pays d’origine.
De son côté le gouvernement de Lopez Obrador (El Sol de Mexico du 13 mars) a renouvelé son appel aux syndicats pour qu’ils retiennent les grèves et leur a rappelé que « oui, nous allons réaliser les augmentations, mais lentement parce que sinon on peut briser l’économie nationale… Il vous faut parler avec les travailleurs, leur dire que nous ne pouvons pas récupérer du jour au lendemain tout le salaire qui a été perdu pendant la période néolibérale, le salaire va s’améliorer, il va monter, mais nous devons le faire de façon graduelle, parce que sinon on va ruiner les entreprises, on va ruiner l’économie, nous devons prendre soin des sources de travail ».
On se doute bien qu’il est impossible de récupérer en une seule fois une perte de 80,08% du pouvoir d’achat du salaire accumulée pendant la période néolibérale, mais pour autant on ne peut nier le fait que les grandes entreprises globales sont largement en état d’offrir de meilleurs salaires sans mettre en danger « l’économie nationale ». Nous, travailleuses et travailleurs, nous devons exiger de l’actuel gouvernement qu’il cesse toute intrusion dans les négociations entre travailleurs des entreprises et patrons pour qu’ils déterminent librement entre eux les augmentations de salaires convenant le mieux dans chacun des cas. Si les chefs d’entreprise prétendent qu’ils n’ont pas les moyens de satisfaire les revendications des travailleurs, alors qu’ils ouvrent les livres de comptes et qu’ils le démontrent !
Il est indéniable que les grèves victorieuses de Matamoros, ainsi que la déroute électorale de l’appareil de domination priiste, favorisent la récupération de la confiance de la classe ouvrière dans ses propres forces pour améliorer son niveau de vie et démocratiser ses organisations syndicales. Cela s’est reflété dans les grèves des travailleurs universitaires (Chapingo, Metropolitana, Oaxaca entre autres), dans l’agitation croissante dans d’autres régions de la frontière nord, dans le développement d’une nouvelle insurrection syndicale au sein du secteur pétrolier, de la sécurité sociale et de l’éducation primaire, de même dans la recomposition du syndicalisme indépendant.
Il serait souhaitable que les centrales syndicales indépendantes – la Nouvelle Centrale des Travailleurs (NCT), l’Union Nationale des Travailleurs (UNT), la nouvelle Confédération Internationale des Travailleurs (CIT, impulsée par le syndicat des Mineurs) et la Coordination Nationale des travailleurs de l’Education (CNTE) puissent se mettre d’accord pour impulser un programme minimum de lutte qui prenne en compte les objectifs suivants :
Entourer de la plus large solidarité les grèves en cours, exiger une réforme du code du travail qui garantisse la liberté syndicale et la prévalence de la justice, limiter la tertiarisation et supprimer les réformes anti ouvrières de 2012, le contrôle syndical des fonds de pension et la récupération de leur caractère solidaire, un programme pour récupérer la perte historique du salaire des travailleurs, la semaine de 35 heures de travail, l’audit de la dette publique et le refus de payer la dette illégitime.
Nous, Coordination Socialiste Révolutionnaire, depuis notre modeste tranchée, nous affirmons notre solidarité totale et inconditionnelle avec la lutte de la classe travailleuse.
Ciudad de Mexico, le 16 mars 2019
Coordinara Socialista Révolucionnaria (organisation sympathisante de la IVème Internationale)
Traduction Didier Gété (publié le 24/03/2019)
A lire sur le site NPA
Le mouvement a commencé quand le patronat a essayé d’escamoter une augmentation de 100% du salaire minimum, décrétée par le nouveau gouvernement d’Andres Manuel Lopez Obrador sur toute la zone frontalière, tentant par là de freiner la migration de travailleurs mexicains et de remplir les engagements d’améliorations salariales inscrits dans la renégociation de l’ALENA entre le Mexique, les Etats-Unis et le Canada. La manœuvre patronale résidant dans le fait qu’en échange de céder cette augmentation salariale ils prétendaient supprimer d’autres prestations inscrites dans les contrats de travail, y compris la prime annuelle. Les patrons expliquèrent, à travers leurs dociles représentants syndicaux, que le « coupable » de cette mesure était Lopez Obrador avec sa politique « irresponsable »
Face à l’attaque patronale et à la trahison des jaunes de la CTM, avec à leur tête Juan Villafuerte, les ouvriers à juste titre indignés, l’ont fait savoir sur les réseaux sociaux et dans des réunions de protestation à l’intérieur des entreprises et ont demandé le conseil d’une avocate du travail bien connue , Susana Prieto Terrazas, pour défendre leurs droits. L’avocate, qui réside à Ciudad Juarez, a décidé de se déplacer à Matamoros pour venir les conseiller. A son arrivée elle a été accueillie par des milliers de travailleurs qui, de façon spontanée, avaient déjà déclenché quelques arrêts de travail et envisageaient de les étendre à l’ensemble de l’industrie des maquiladoras. Ils avaient même tenté d’occuper le siège du syndicat. Face au risque d’être débordés par leurs bases, les syndicalistes jaunes n’ont pas eu d’autre choix que celui de déposer un appel à la grève générale pour le vendredi 25 janvier.
La réponse inhabituelle et combative de la classe ouvrière (souvenons nous qu’au Mexique on n’avait pas vu une réaction du même type depuis les années 30 du siècle passé) a mis la classe patronale en état d’alerte rouge. Les patrons ont déclaré de façon hypocrite qu’ils n’avaient « pas les moyens d’accorder une telle augmentation » et ont menacé de quitter le pays. Les salaires minimums journaliers au Mexique sont parmi les plus bas du monde : à partir du 1erjanvier 102.68 Pesos (5.34 dollars au niveau national et 176,72 pesos (9,20 dollars) dans la zone libre de la frontière nord). Même avec l’augmentation de 100%, les voraces entreprises maquiladoras payent dix fois moins au Mexique que ce qu’elles payent dans leurs pays d’origine.
De son côté le gouvernement de Lopez Obrador (El Sol de Mexico du 13 mars) a renouvelé son appel aux syndicats pour qu’ils retiennent les grèves et leur a rappelé que « oui, nous allons réaliser les augmentations, mais lentement parce que sinon on peut briser l’économie nationale… Il vous faut parler avec les travailleurs, leur dire que nous ne pouvons pas récupérer du jour au lendemain tout le salaire qui a été perdu pendant la période néolibérale, le salaire va s’améliorer, il va monter, mais nous devons le faire de façon graduelle, parce que sinon on va ruiner les entreprises, on va ruiner l’économie, nous devons prendre soin des sources de travail ».
On se doute bien qu’il est impossible de récupérer en une seule fois une perte de 80,08% du pouvoir d’achat du salaire accumulée pendant la période néolibérale, mais pour autant on ne peut nier le fait que les grandes entreprises globales sont largement en état d’offrir de meilleurs salaires sans mettre en danger « l’économie nationale ». Nous, travailleuses et travailleurs, nous devons exiger de l’actuel gouvernement qu’il cesse toute intrusion dans les négociations entre travailleurs des entreprises et patrons pour qu’ils déterminent librement entre eux les augmentations de salaires convenant le mieux dans chacun des cas. Si les chefs d’entreprise prétendent qu’ils n’ont pas les moyens de satisfaire les revendications des travailleurs, alors qu’ils ouvrent les livres de comptes et qu’ils le démontrent !
Il est indéniable que les grèves victorieuses de Matamoros, ainsi que la déroute électorale de l’appareil de domination priiste, favorisent la récupération de la confiance de la classe ouvrière dans ses propres forces pour améliorer son niveau de vie et démocratiser ses organisations syndicales. Cela s’est reflété dans les grèves des travailleurs universitaires (Chapingo, Metropolitana, Oaxaca entre autres), dans l’agitation croissante dans d’autres régions de la frontière nord, dans le développement d’une nouvelle insurrection syndicale au sein du secteur pétrolier, de la sécurité sociale et de l’éducation primaire, de même dans la recomposition du syndicalisme indépendant.
Il serait souhaitable que les centrales syndicales indépendantes – la Nouvelle Centrale des Travailleurs (NCT), l’Union Nationale des Travailleurs (UNT), la nouvelle Confédération Internationale des Travailleurs (CIT, impulsée par le syndicat des Mineurs) et la Coordination Nationale des travailleurs de l’Education (CNTE) puissent se mettre d’accord pour impulser un programme minimum de lutte qui prenne en compte les objectifs suivants :
Entourer de la plus large solidarité les grèves en cours, exiger une réforme du code du travail qui garantisse la liberté syndicale et la prévalence de la justice, limiter la tertiarisation et supprimer les réformes anti ouvrières de 2012, le contrôle syndical des fonds de pension et la récupération de leur caractère solidaire, un programme pour récupérer la perte historique du salaire des travailleurs, la semaine de 35 heures de travail, l’audit de la dette publique et le refus de payer la dette illégitime.
Nous, Coordination Socialiste Révolutionnaire, depuis notre modeste tranchée, nous affirmons notre solidarité totale et inconditionnelle avec la lutte de la classe travailleuse.
Ciudad de Mexico, le 16 mars 2019
Coordinara Socialista Révolucionnaria (organisation sympathisante de la IVème Internationale)
Traduction Didier Gété (publié le 24/03/2019)
A lire sur le site NPA