Pérou: l'ex-président Alberto Fujimori restera en prison
LIMA (AFP) - L'ancien président péruvien Alberto Fujimori, qui purge actuellement une peine de 25 ans de prison pour crimes contre l'humanité et corruption, restera sous les verrous après le refus vendredi du président Ollanta Humala de le gracier.

Cette décision met un terme à une intense campagne en vue de sa libération, appuyée par ses sympathisants qui conservent une influence politique considérable au Pérou.

"Après avoir évalué le concept de repentance, spécialement pour délits de corruption et d'(atteintes) aux droits de l'homme, je suis arrivé à la conclusion de ne pas accorder la grâce", a déclaré le président Humala dans une conférence de presse au palais présidentiel.

Auparavant le ministre de la Justice, Daniel Figallo, avait indiqué que M. Fujimori, 74 ans, "ne souffrait ni d'une maladie en phase terminale, ni d'une maladie grave incurable et ne présentait pas non plus des troubles mentaux graves" justifiant la grâce présidentielle.

En octobre, les quatre enfants de M. Fujimori avaient officiellement demandé au président Humala la libération de leur père - décrit comme un homme âgé atteint d'un cancer - pour des raisons humanitaires.

Une commission médicale pénitentiaire composée de 12 médecins de diverses spécialités avait cependant conclu en mars qu'il ne présentait aucun symptôme de cancer.

L'ancien président purge actuellement une peine de 25 ans de prison pour corruption et crimes contre l'humanité commis sous ses mandats (1990-2000).

La demande de grâce a rouvert de vieilles blessures au Pérou, où quelque 70.000 personnes ont été tuées dans les années 1980 et 1990 dans les affrontements avec la guérilla maoïste du Sentier lumineux, vaincue au prix d'une violente répression par le gouvernement Fujimori.

L'ex-président avait finalement fui le Pérou pour le Japon, pays natal de ses parents, sur fond d'un énorme scandale de corruption, pour démissionner par fax depuis un hôtel de Tokyo à la fin 2000.

M. Fujimori ayant obtenu la nationalité japonaise, le Pérou a passé des années à tenter en vain de convaincre Tokyo de l'extrader.

Après une longue bataille juridique, c'est finalement le Chili, où il s'était rendu en 2005, qui avait extradé M. Fujimori en septembre 2007.

L'intense campagne de lobbying familial en vue de la libération de l'ancien homme fort du Pérou était appuyée par ses sympathisants qui conservent une influence politique considérable au Congrès et restent très présents dans les médias.

Pour sa part, sa fille Keiko Fujimori, candidate malheureuse à la dernière présidentielle remportée par Ollanta Humala, et candidate naturelle du fujimorisme en 2016, a affirmé à maintes reprises que son père était "l'otage de ses ennemis politiques".

Mais l'image du vieillard chenu sur son lit d'hôpital selon les photos qu'a fait circuler sa famille a été écornée par des révélations faisant état des privilèges exorbitants de l'ancien président vivant dans une prison dorée de 10.000 mètres carrés à son seul usage, disposant d'une clinique privée, d'un salon de réception où défilent les visiteurs, d'un atelier de peinture et d'un jardin planté de 5.000 rosiers.

"M. Fujimori est le prisonnier qui jouit des meilleures conditions de détention de tout le Pérou", a fait remarquer le président Humala vendredi.

Il aurait ainsi reçu, selon le journal La Republica, 649 visites depuis janvier, dont 174 de parlementaires de son bord.

Le président Humala, qui a toujours été un féroce adversaire de M. Fujimori - alors lieutenant-colonel il s'était soulevé en 2000 contre son régime - a toutefois demandé de ne pas faire du refus de gracier l'ancien chef d'Etat "une affaire politique".

La réaction des fujimoristes ne s'est pourtant pas fait attendre.

"C'est une décision politique qui n'a pas pris en compte la situation humanitaire", a insisté la députée Luz Salgado, tandis que l'avocat de l'ex-président Cesar Nakazaki a estimé sur Twitter: "Autant que Humala aille directement donner un coup de poignard à Fujimori".

Lire l'article sur le site de: Le Nouvel Observateur (7/06/2013)