02 Oct 2022
Bus, métros, trains… Le ticket unique à 9 euros testé cet été dans les transports en commun en Allemagne a été un succès. Le gouvernement souhaite pérenniser cette mesure écolo et sociale.
Berlin (Allemagne), correspondance
29, 49 ou 69 euros ? Quel sera le montant du futur passe transports illimité allemand ? Le débat agite le pays, alors que l’opération « Ticket à 9 euros » s’est achevée cette semaine. Prévue pour durer trois mois, l’offre d’un ticket mensuel à 9 € pour des trajets illimités devrait finalement devenir pérenne. Les négociations ont commencé entre les trois partis au pouvoir, les sociaux-démocrates, les écologistes et les libéraux-démocrates, ainsi qu’avec les Länder et les sociétés de transports.
Il faut dire que le succès populaire a été sans appel : 52 millions de tickets ont été vendus, sans compter les quelque 10 millions d’abonnés aux transports urbains qui ont vu leur tarif mensuel réduit automatiquement. Durant trois mois, trains régionaux, métros, bus et tramways ont ainsi été accessibles à tous à ce tarif unique, sans limite, partout dans le pays. Le réseau a réussi à absorber la hausse importante de la fréquentation, en dépit des craintes initiales des sociétés de transports et des syndicats.
« C’est l’une des meilleures idées que l’on ait eues », s’est félicité le chancelier Olaf Scholz. Le ticket à 9 euros a modifié les comportements, en particulier chez les urbains (qui représentent 77 % de la population) : 1 usager sur 10 a profité de l’offre pour ses trajets quotidiens qu’il aurait, sans cela, effectués en voiture. Et 1 sur 5 n’avait même jamais emprunté les transports en commun, a évalué une vaste étude commandée par la Fédération allemande des sociétés de transports VDV.
« Les résultats sont clairs : les gens veulent des transports en commun lorsque le ticket est simple, compréhensible et utilisable partout. Et ils sont prêts pour cela à laisser leur voiture au garage », analyse Maike Schaefer, présidente de la Conférence des ministres régionaux des Transports. « Les transports en commun ne sont plus ringards, ils ont une image cool maintenant », ajoute le chercheur en mobilité Andreas Knie. À l’échelle nationale, le trafic routier était toutefois équivalent en juin et juillet à son niveau de 2019 : les Allemands ont davantage voyagé, quel que soit le mode de transport, probablement en raison de la levée des restrictions liées à la pandémie de Covid-19.
Moins de pollution, plus de justice sociale
Sans être massif, le mouvement de report a eu des effets climatiques sensibles, avec une économie de 1,8 million de tonnes de CO2 selon la VDV. L’opération a également permis de diminuer la pollution de l’air de 6 % au mois de juin, ont mesuré des chercheurs de l’université de Potsdam. D’après le groupe de presse RND, les bouchons routiers ont diminué de façon sensible dans 12 agglomérations sur 14 étudiées, notamment à Stuttgart et Wiesbaden. Une étude en cours de l’université technique de Hambourg démontrerait également des bénéfices en matière de justice sociale : le ticket à 9 euros aurait permis aux plus pauvres de réaliser des déplacements qu’ils n’auraient sinon jamais effectués. En Bavière, l’offre a été nettement plus utilisée dans les territoires à faibles revenus.
Imaginée sur un coin de table à l’aube du 24 mars dernier, après huit heures de négociations au sein du gouvernement pour mettre au point un paquet de mesures anti-inflation, l’opération a secoué l’Allemagne. « Il y a clairement un avant et un après, observe Andreas Knie. Les gens ne sont plus prêts à accepter la jungle des tarifs différents selon les zones. » Déjà, des militants de gauche ont lancé le « fonds 9 euros » : les adhérents cotisent 9 euros par mois et circulent sans billet ; les amendes éventuelles sont réglées par le fonds de solidarité.
Sous la pression populaire, Berlin a donc promis de ne pas en rester là. Les discussions s’annoncent longues : les écologistes militent pour un ticket à 29 euros, financé grâce à la suppression des avantages fiscaux pour les bénéficiaires de voitures de fonction. Les sociaux-démocrates, eux, proposent 49 euros quand les libéraux-démocrates privilégient un tarif de 69 euros et mettent en garde sur le coût de l’opération sur les finances publiques. Quelle que soit l’option retenue, la pérennisation de ce ticket à prix serré devra permettre à l’Allemagne de s’approcher de son objectif : doubler la fréquentation des transports en commun d’ici 2030.
Par Violette Bonnebas (publié le 02/09/2022)
A lire sur le site Reporterre
Berlin (Allemagne), correspondance
29, 49 ou 69 euros ? Quel sera le montant du futur passe transports illimité allemand ? Le débat agite le pays, alors que l’opération « Ticket à 9 euros » s’est achevée cette semaine. Prévue pour durer trois mois, l’offre d’un ticket mensuel à 9 € pour des trajets illimités devrait finalement devenir pérenne. Les négociations ont commencé entre les trois partis au pouvoir, les sociaux-démocrates, les écologistes et les libéraux-démocrates, ainsi qu’avec les Länder et les sociétés de transports.
Il faut dire que le succès populaire a été sans appel : 52 millions de tickets ont été vendus, sans compter les quelque 10 millions d’abonnés aux transports urbains qui ont vu leur tarif mensuel réduit automatiquement. Durant trois mois, trains régionaux, métros, bus et tramways ont ainsi été accessibles à tous à ce tarif unique, sans limite, partout dans le pays. Le réseau a réussi à absorber la hausse importante de la fréquentation, en dépit des craintes initiales des sociétés de transports et des syndicats.
« C’est l’une des meilleures idées que l’on ait eues », s’est félicité le chancelier Olaf Scholz. Le ticket à 9 euros a modifié les comportements, en particulier chez les urbains (qui représentent 77 % de la population) : 1 usager sur 10 a profité de l’offre pour ses trajets quotidiens qu’il aurait, sans cela, effectués en voiture. Et 1 sur 5 n’avait même jamais emprunté les transports en commun, a évalué une vaste étude commandée par la Fédération allemande des sociétés de transports VDV.
« Les résultats sont clairs : les gens veulent des transports en commun lorsque le ticket est simple, compréhensible et utilisable partout. Et ils sont prêts pour cela à laisser leur voiture au garage », analyse Maike Schaefer, présidente de la Conférence des ministres régionaux des Transports. « Les transports en commun ne sont plus ringards, ils ont une image cool maintenant », ajoute le chercheur en mobilité Andreas Knie. À l’échelle nationale, le trafic routier était toutefois équivalent en juin et juillet à son niveau de 2019 : les Allemands ont davantage voyagé, quel que soit le mode de transport, probablement en raison de la levée des restrictions liées à la pandémie de Covid-19.
Moins de pollution, plus de justice sociale
Sans être massif, le mouvement de report a eu des effets climatiques sensibles, avec une économie de 1,8 million de tonnes de CO2 selon la VDV. L’opération a également permis de diminuer la pollution de l’air de 6 % au mois de juin, ont mesuré des chercheurs de l’université de Potsdam. D’après le groupe de presse RND, les bouchons routiers ont diminué de façon sensible dans 12 agglomérations sur 14 étudiées, notamment à Stuttgart et Wiesbaden. Une étude en cours de l’université technique de Hambourg démontrerait également des bénéfices en matière de justice sociale : le ticket à 9 euros aurait permis aux plus pauvres de réaliser des déplacements qu’ils n’auraient sinon jamais effectués. En Bavière, l’offre a été nettement plus utilisée dans les territoires à faibles revenus.
Imaginée sur un coin de table à l’aube du 24 mars dernier, après huit heures de négociations au sein du gouvernement pour mettre au point un paquet de mesures anti-inflation, l’opération a secoué l’Allemagne. « Il y a clairement un avant et un après, observe Andreas Knie. Les gens ne sont plus prêts à accepter la jungle des tarifs différents selon les zones. » Déjà, des militants de gauche ont lancé le « fonds 9 euros » : les adhérents cotisent 9 euros par mois et circulent sans billet ; les amendes éventuelles sont réglées par le fonds de solidarité.
Sous la pression populaire, Berlin a donc promis de ne pas en rester là. Les discussions s’annoncent longues : les écologistes militent pour un ticket à 29 euros, financé grâce à la suppression des avantages fiscaux pour les bénéficiaires de voitures de fonction. Les sociaux-démocrates, eux, proposent 49 euros quand les libéraux-démocrates privilégient un tarif de 69 euros et mettent en garde sur le coût de l’opération sur les finances publiques. Quelle que soit l’option retenue, la pérennisation de ce ticket à prix serré devra permettre à l’Allemagne de s’approcher de son objectif : doubler la fréquentation des transports en commun d’ici 2030.
Par Violette Bonnebas (publié le 02/09/2022)
A lire sur le site Reporterre